Le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, a alerté sur le risque de « crise financière » et de « déclin économique » dans le cas où serait appliqué le programme du Nouveau Front Populaire (NFP), l’alliance de gauche qui a obtenue la majorité relative à l’issue du second tour des élections législatives en France. « Mélenchon [le leader du parti d’extrême gauche La France Insoumise] a déclaré après les résultats qu’il s’en tiendrait entièrement à son énorme plan de dépenses et qu’il refuserait d’entamer des discussions avec Macron. Cela pourrait peser sur l’appétit pour les obligations françaises et maintenir l’écart avec le rendement allemand au-dessus des niveaux préélectoraux, limitant ainsi le potentiel de hausse de l’euro », s’inquiétait ce matin, avant l’ouverture du Cac 40, Ipek Ozkardeskaya, analyste de marché chez Swissquote Bank. Mais, plus globalement, la Bourse ne semble pas vraiment croire possible l’accession au pouvoir de LFI, sinon ni le Cac 40, ni l’euro ne seraient actuellement en légère hausse. Le spread avec l’Allemagne ne se détendrait pas non plus le cas échéant. L’écart de taux entre les obligations souveraines à dix ans de la France et ceux de même échéance de l’Allemagne, baromètre du risque politique, doit se comprendre comme la prime exigée par un investisseur pour acheter de la dette française plutôt que de l’allemande, parce que plus risquée. La bonne gestion des finances publiques est ici une variable clé.
Le vote tactique visant à bloquer l’extrême droite a tellement bien réussi qu’il a fait pencher la balance dans la direction opposée.
« Le Nouveau Front Populaire d’extrême gauche a créé la surprise en devenant le groupe [parlementaire] le plus important [à l’Assemblée nationale]. […] Le vote tactique visant à bloquer l’extrême droite a tellement bien réussi qu’il a fait pencher la balance dans la direction opposée, mais sans que personne n’obtienne la majorité absolue. Le NFP a le programme le plus agressif sur le plan fiscal, tant en termes de dépenses que d’impôts, et le marché se méfiera de la perspective de les voir au gouvernement, maintenant ou plus tard, au risque de se retrouver avec des déficits plus élevés, des inquiétudes quant à la viabilité de la dette et des relations tendues avec l’Europe. Hier soir, l’extrême gauche parlait déjà d’impôts sur la fortune et d’augmentation des impôts sur les sociétés, ce qui ne sera pas favorable aux marchés. Cependant, essayer de construire un gouvernement qui ait une quelconque stabilité semble être hors d’atteinte. La paralysie politique pour les douze prochains mois semble être l’issue la plus probable » – Jim Reid, stratégiste chez Deutsche Bank.
« Le Nouveau Front Populaire a nettement dépassé les attentes. Cependant, il est peu probable qu’il gouverne. Nous nous attendons à ce qu’un Premier ministre centriste/technocrate soit finalement mis en place » – Andrzej Szczepaniak, économiste chez Nomura.
« Il n’y aura pas de crise économico-financière en France dans les mois à venir ni de solutions aux problèmes posés par les finances publiques. Aucun des trois blocs n’a de majorité et aucun des deux blocs dont le programme économique inquiétait les investisseurs ne sera en mesure d’attirer d’autres sensibilités pour former une coalition majoritaire. Au mieux, une partie de la gauche pourrait rejoindre le bloc central mais ça serait sa partie modérée et elle serait minoritaire au sein d’une telle alliance. Mais à supposer qu’une grande coalition se forme, il lui sera très difficile de conduire la politique d’austérité nécessaire à ce que la France respecte ses engagements auprès de Bruxelles, et implicitement auprès des agences de ratings. Donc, que la France ait un gouvernement issu d’une grande coalition ou qu’il soit technocratique, il n’y aura pas de majorité pour réduire comme attendu les déficits publics et il n’y aura pas de stabilité politique pour durer. […] la France n’augmentera probablement pas ses déficits publics mais ne les réduira pas non plus » – Benjamin Melman, directeur des investissements chez Edmond de Rothschild AM.
Plus la coalition sera à gauche, plus les marchés s’inquiéteront d’une augmentation potentielle des dépenses publiques.
« Il y a deux résultats possibles [s’agissant du futur gouvernement]. La première est une sorte de grande coalition dirigée par le centre, avec des représentants de la gauche et de la droite. Cette issue serait considérée comme favorable aux marchés. La deuxième issue potentielle est une coalition formée autour du nouveau Front populaire. Cette issue serait moins favorable aux marchés, mais l’équilibre des pouvoirs au sein du nouveau Front populaire serait un facteur crucial. Enfin, si les querelles politiques aboutissent à une impasse totale, une sorte de gouvernement technocratique serait l’issue probable. Cette issue serait bénigne pour les marchés. Plus la coalition sera à gauche, plus les marchés s’inquiéteront d’une augmentation potentielle des dépenses publiques, d’un éventuel revirement de la réforme des retraites, du gel des prix, de l’augmentation des salaires de l’État et d’une détérioration des relations avec l’UE » – Jamie Ross, gérant de portefeuilles chez Janus Henderson.
Les factions les plus extrêmes réunies n’auront pas le nombre nécessaire [de sièges] pour adopter une motion de censure afin d’empêcher une coalition centrale.
« Les factions les plus extrêmes réunies n’auront pas le nombre nécessaire [de sièges] pour adopter une motion de censure afin d’empêcher une coalition centrale. C’est un point positif en termes de stabilité politique pour la France, mais la formation d’une telle coalition risque d’être difficile. Numériquement, les composantes de la gauche, en excluant la gauche dure LFI, et les centristes pourraient – de justesse – atteindre la majorité absolue, mais la recherche d’un accord politique sera délicate. Le ciment institutionnel est rare dans le système politique traditionnellement antagoniste de la France. Un gouvernement technique minoritaire est envisageable pour sortir de l’impasse, mais il ne s’attacherait vraisemblablement qu’à mettre en œuvre des politiques minimalistes, bien que crucial concernant le budget pour 2025 » – Gilles Moëc, chef économiste chez Axa Investment Managers.
« Il y aura des majorités qui se formeront au gré des textes à voter dans un contexte où les sujets de consensus seront particulièrement rares. Le scenario le plus probable est celui d’un blocage qui empêche toute initiative législative importante. La France gérera alors ses affaires courantes, jusqu’à la prochaine dissolution (dans plus d’un an) ou jusqu’à la démission du président de la République, sur fond de poursuite de la dégradation des comptes publics. Il est difficile de croire que le crédit souverain français ne s’écartera pas de l’allemand. Le spread devrait progressivement remonter, renchérissant le coût de la dette française et contribuant à l’affaiblissement de l’économie française » – Frédéric Leroux, membre du comité d’investissement stratégique de Carmignac.
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Publish date : 2024-07-08 14:00:46
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