Le miracle ne s’est pas produit pour le camp présidentiel. Après la défaite cinglante aux élections européennes, le 9 juin, et l’annonce, le soir même, de la dissolution de l’Assemblée nationale par le président de la République, le bloc macroniste a subi un nouveau revers au premier tour des élections législatives anticipées, dimanche 30 juin. Distancés, les candidats réunis sous la bannière Ensemble ! n’ont recueilli que 20% des voix, contre 28% pour le Nouveau Front populaire (NFP), l’alliance de gauche, et surtout, 33% pour le Rassemblement national (RN) et ses alliés. Un score qui, au soir du premier tour, permettait au parti de Marine Le Pen d’envisager d’obtenir la majorité absolue à l’issue du scrutin.
Une situation impensable pour Emmanuel Macron qui, lors de sa victoire en mai 2017, avait promis qu’il « ferait tout » dans son quinquennat pour qu’il n’y ait « plus aucune raison de voter pour les extrêmes ». Et qui a conduit le camp présidentielle, le Premier ministre Gabriel Attal en tête, à appeler cette semaine à « faire barrage » au Rassemblement national. « Le premier enjeu, pour moi, de ce second tour, c’est de tout faire pour que l’extrême droite ne dispose pas d’une majorité absolue », a-t-il martelé, mercredi 3 juillet, sur France Inter.
Stratégie du désistement
La veille au soir, les préfectures du pays ont validé les candidatures pour le second tour des élections législatives qui se déroule ce dimanche 7 juillet. 81 candidats de la coalition présidentielle, coincés dans des triangulaires, ont décidé, bon gré mal gré, de se désister pour un candidat de l’alliance de gauche, et ainsi priver le Rassemblement national d’un siège au Palais Bourbon. Sèchement battue dans la première circonscription des Bouches-du-Rhône, l’ex-secrétaire d’Etat à la Ville, Sabrina Agresti-Roubache, s’est ainsi désistée. Avec un objectif : barrer la route à Monique Griseti (RN) et favoriser la victoire de Pascaline Lécorché (NFP).
Autre territoire, même logique. Dans la 4e circonscription de la Sarthe, Sylvie Casenave-Péré, arrivée en troisième position, a retiré sa candidature. Là encore, avec comme idée de barrer la route à Marie-Caroline Le Pen, la sœur aînée de Marine Le Pen. Mais ce barrage républicain, au profit des candidats de l’alliance de gauche, va-t-il fonctionner au sein des électeurs macronistes ? Rien n’est moins sûr… Selon un sondage Odoxa pour Le Nouvel Obs, paru jeudi 4 juillet, moins de la moitié (49%) des électeurs d’Emmanuel Macron seraient prêts à faire barrage au RN.
Une prévision sondagière qui conforte l’analyse du politologue et chercheur au CNRS, Bruno Cautrès, interrogé cette semaine, par La Tribune. « Le barrage républicain est davantage un réflexe des électeurs de gauche que ceux de droite ou de la macronie. (…) On sait qu’il y aura beaucoup de déperdition si on demande à des électeurs macronistes de voter pour un candidat France insoumise (LFI) », pointe l’expert.
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Inquiétude à l’Elysée
Signe que le sujet du barrage républicain inquiète au plus haut sommet de l’Etat, le président de la République, Emmanuel Macron, s’est empressé de rappeler, mercredi 3 juillet, en Conseil des ministres, à destination de ses soutiens, que « se désister aujourd’hui pour des élus de gauche face au Rassemblement national ne signifie pas gouverner demain avec LFI (…) Il n’en est pas question. »
Outre le positionnement de la gauche, et notamment de La France insoumise, sur les questions sociétales et internationales, à l’instar de la guerre entre Israël et le Hamas, un autre élément pourrait bien dissuader les sympathisants de la galaxie macroniste de déposer un bulletin NFP dans l’urne dimanche : le programme fiscal de l’union de la gauche. Pêle-mêle, le Nouveau Front populaire entend « réformer l’impôt sur l’héritage pour le rendre plus progressif », « accroître la progressivité de l’impôt sur le revenu à 14 tranches », « rendre la CSG progressive », « supprimer la flat tax », « rétablir un impôt de solidarité sur la fortune », ou encore « supprimer les niches fiscales inefficaces, injustes et polluantes ».
Autant de propositions clivantes qui pourraient être reprises en cas de formation d’une grande coalition de gouvernement, et qui ne sont, a priori, pas la tasse de thé de l’électorat d’Emmanuel Macron, dont le centre de gravité a largement basculé de la gauche vers la droite entre les élections présidentielles de 2017 et 2022. Un « chassé-croisé » que démontre, chiffres à l’appui, Jérôme Fourquet, le directeur du département Opinion et stratégies de l’Ifop, dans son ouvrage La France d’après, tableau politique (Seuil).
« Une part significative de l’électorat issu de la gauche (ayant voté Mélenchon ou Hollande en 2012) a déserté entre 2017 et 2022, quand, dans le même temps, la composante de l’électorat macroniste provenant de la droite gonflait spectaculairement. Seuls 17% des électeurs sarkozystes de 2012 avaient voté pour Emmanuel Macron en 2017, cette proportion s’établissant à 47% cinq ans plus tard », constate le sondeur.
Des petits contribuables « affolés » par le NFP
« Le programme du Nouveau Front populaire porte la rupture, la radicalité, et même la décroissance, avec cette petite musique de faire payer les riches », analyse Virginie Martin, politiste et professeure à Kedge Business School. Et sur le terrain, les propositions de la gauche semblent provoquer de l’inquiétude, notamment chez les retraités, cœur de l’électorat macroniste. « Nos membres sont affolés par le programme du NFP, répond du tac au tac Benoît Perrin, directeur de Contribuables Associés, une association constituée en majorité de petits contribuables retraités. Ils ont notamment peur de payer plus d’impôt sur le revenu avec la multiplication du nombre de tranches d’imposition souhaitée par la gauche. »
Dès lors, la probabilité qu’une large partie des électeurs d’Emmanuel Macron s’abstiennent, dimanche, lors du second tour des législatives n’est pas exclue. D’autant que « le tabou du vote RN est encore très présent chez eux, même si l’électorat s’est droitisé », reprend Virginie Martin. « Je ne vois pas pourquoi les gens qui ont un peu d’épargne voteraient pour un candidat de la gauche », résume, lapidaire, un édile d’une ville de droite des Hauts-de-Seine.
Mais si le programme fiscal du Nouveau Front populaire apparaît à certains électeurs comme un repoussoir au barrage républicain, une députée socialiste, candidate à sa réélection à l’Assemblée nationale, met en avant un autre problème, encore plus important selon elle : « Ce qui est handicapant dans les reports de voix, c’est surtout et toujours Mélenchon, car tout le monde a compris que le NFP n’aurait pas la majorité absolue. »
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Publish date : 2024-07-05 14:10:00
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