Comment évolueraient la croissance, l’emploi, la dette publique et les inégalités si le Rassemblement National (RN) ou le Nouveau Front Populaire (NFP) appliquaient leurs programmes ? Dans sa dernière étude, l’institut Ifrap répond partiellement à cette question en prévoyant l’impact sur les comptes publics des programmes du RN ou du NFP. Il en ressort de nouveaux besoins de financement pour l’Etat, de l’ordre de 8,5 milliards par an pour le RN et de 178 milliards par an pour le NFP. Le déficit de l’Etat français en 2023 s’élevant déjà à 154 milliards, soit 5,5 % du PIB, il grimperait avec ces dépenses supplémentaires à environ 5,8 % avec le RN et 11,9 % avec le NFP, donc bien au-delà ce que les traités européens autorisent avant que le pays soit soumis à la « procédure de déficit excessif ».
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Mais, au-delà des problèmes budgétaires de l’Etat, les électeurs ont aussi besoin de savoir ce que ces programmes impliqueront pour eux, les risques pris pour les finances publiques pouvant être compensés par d’éventuels bénéfices privés. Ils ont aussi besoin d’évaluations où, en réaction à ces programmes, les adaptations de leurs comportements de consommation, d’heures travaillées, de contrats de salaire… sont prises en considération. Il convient donc d’intégrer les nouvelles dépenses de ces programmes ainsi que les changements de fiscalité qu’ils proposent pour prévoir à quoi ressemblerait la France en 2027 s’ils étaient appliqués.
Le programme du NFP induirait une réduction du taux de croissance annuel de 0,74 point de pourcentage
Décrochage. Afin de donner des ordres de grandeur sur les changements qu’induiraient ces programmes pour les Français, le modèle du Cepremap, qui sert chaque année à évaluer la loi de finances soumise par le gouvernement au vote du Parlement, indique que le programme du RN entraînerait une réduction du taux de croissance annuel de 0,59 point de pourcentage en moyenne jusqu’à la fin 2027 relativement à la trajectoire de croissance proposée par l’actuel gouvernement et votée en novembre 2023. Celui du NFP induirait une réduction du taux de croissance annuel de 0,74 point de pourcentage. Cela représente une réduction de la richesse créée de 59,78 milliards d’euros sur les 3,5 années à venir pour le RN, et de 74,8 milliards d’euros pour le NFP. Ces deux programmes laissent donc envisager une aggravation du décrochage de la France en termes de production et donc de richesse à distribuer.
Sur le front de l’emploi, alors qu’il doit croître au rythme de 0,71 % par an en moyenne jusqu’à la fin 2027 avec la politique de l’actuel gouvernement, il n’augmenterait plus que 0,26 % par an avec le RN et de 0,07 % par an avec le NFP. Ce sont donc 126 000 emplois qui ne seront pas créés avec le RN à l’horizon 2027 et 179 000 avec le NFP. Avec ces programmes, les pertes d’emploi sont en grande partie liées à l’abrogation de la dernière réforme des retraites (avec le RN) ou au retour à la retraite à 60 ans (avec le NFP) : elles touchent donc essentiellement les emplois à bas et moyen salaires pour lesquels l’âge de début de carrières est plus jeune.
La dette publique représentant 113 % du PIB en 2027 si la politique du RN était appliquée, alors que le scénario de l’actuel gouvernement prévoyait un retour à 108 % en 2027
Dans ce contexte d’appauvrissement du pays, les finances publiques seraient extrêmement dégradées, avec une dette publique représentant 113 % du PIB en 2027 si la politique du RN était appliquée, alors que le scénario de l’actuel gouvernement prévoyait un retour à 108 % en 2027. La dette pourrait même s’envoler pour atteindre 140 % en 2027 si la politique du NFP était appliquée. Mais notre estimation sous-estime certainement ces évolutions car elle suppose que les conditions dans lesquelles l’Etat français emprunte sont les mêmes quelle que soit la politique mise en œuvre. Si les conditions d’emprunt se durcissent du fait d’une dette plus difficilement remboursable, alors les 113 % de dette avec le RN et les 140 % de dette avec le NFP sont des estimations « basses ».
Plus pauvres. Finalement, ces deux programmes permettent de réduire les inégalités par rapport à ce que la politique de l’actuel gouvernement laissait prévoir. Avec la politique de ce dernier, un travailleur aisé qui consomme 4,3 fois plus qu’un travailleur pauvre en 2023, verra son avantage croître en 2027 puisqu’il pourra alors consommer 4,8 fois plus qu’un travailleur pauvre en 2027. Avec le programme du RN, un travailleur aisé verra son avantage croître plus faiblement car il consommera 4,5 fois plus qu’un travailleur pauvre. Avec le NFP cet avantage baissera car il ne consommera plus que 1,26 fois plus.
Ainsi, ces deux programmes permettent de davantage contenir (avec le RN) ou même réduire (avec le NFP) les inégalités de niveaux de vie, mais dans une économie où les ménages sont en moyenne plus pauvres et où la part de leurs revenus provenant de la redistribution, et non du travail, est en hausse, voire très forte hausse avec le programme du NFP. Même si la France doit garder un « Etat providence » fortement redistributif, il n’est pas certain que le malaise français soit guéri si chacun voit son niveau de vie dépendre de moins en moins de son effort : avec de telles politiques, le sentiment de déclassement ne sera que plus profond.
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Publish date : 2024-06-29 09:04:22
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