Montélimar, 26 juillet 1941, 1 h 50 du matin. Une explosion ravage la chambre d’hôtel où Marx Dormoy est assigné à résidence par le gouvernement de Vichy depuis le printemps précédent. Compagnon de route de Léon Blum, grande figure du Front populaire, l’homme politique décède sur le coup. Il allait avoir 53 ans.
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L’inspecteur Marc Fra et les commissaires Georges Kubler et Charles Chenevier se lancent aux trousses des auteurs de l’attentat. S’ils identifient les noms des personnes qui ont déposé une bombe à retardement sous le lit de la victime, ils ne parviendront jamais à en désigner formellement les commanditaires. Un procès organisé en 1948 échouera à établir qui a décidé d’éliminer ainsi Dormoy ; la plupart des acteurs de l’époque étant soit décédés, soit en fuite en Espagne et au Venezuela.
Max Dormoy, ennemi personnel d’Eugène Deloncle
Huit décennies après la fin de la guerre, deux professeures d’histoire, enseignant dans des universités américaines, ont repris l’enquête. L’ouvrage*, fouillé, que publient aujourd’hui Gayle K. Brunelle et Annette Finley-Croswhite, explique pourquoi les véritables responsables de cet assassinat ne furent jamais rattrapés. Il s’agissait de membres de la Cagoule, une organisation terroriste d’extrême droite protégée par l’entourage du maréchal Pétain.
À leur tête, Eugène Deloncle (1890-1944) avait créé en 1935 ce groupuscule baptisé le Comité secret d’action révolutionnaire (Csar). Son but ? Renverser la IIIe République. Il avait multiplié, à cet effet, les actions violentes, fomentant même un coup d’État en 1937 justifié par une prétendue prise de pouvoir par les communistes. L’entreprise avorta.
Nommé ministre de l’Intérieur en avril 1936, Marx Dormoy est un adversaire acharné de cette organisation. Originaire de Montluçon où il a vu le jour en 1888, l’élu socialiste n’est pas seulement un opposant politique de Deloncle. C’est son ennemi personnel. Ayant identifié la dangerosité de sa milice armée, il en a ordonné le démantèlement par la police.
Il faut dire que la Cagoule est un facteur majeur de désordre. Avec le soutien des services secrets de Mussolini, le Csar n’a-t-il pas entrepris d’assassiner ou de terroriser sur le sol français tous les antifascistes ? À commencer par les frères italiens, Carlo et Nello Rosselli, exécutés, dans l’Orne, en juin 1937. Les sbires de Deloncle ne sont-ils pas également responsables du meurtre de deux gardiens de la paix lors d’attentats à la bombe commis contre les sièges de la Confédération générale du patronat et de l’Union des industries de la métallurgie à Paris, en septembre suivant ?
L’intrigante Anne Mourraille alias Florence Gérodias
Citant d’innombrables archives, pour certaines inédites, Gayle K. Brunelle et Annette Finley-Croswhite reconstituent avec une grande rigueur les investigations conduites au lendemain de l’assassinat de Marx Dormoy. Elles remontent ainsi la piste de Florence Gérodias, une mystérieuse comédienne que Marx Cormoy croisa à deux reprises, en juin et en juillet 1941. Mannequin, la jeune femme le séduisit, se faisant la complice du commando qui glissa sous le matelas de l’ex-ministre la bombe à minuterie qui le tua.
À LIRE AUSSI Clemenceau, Blum, Talleyrand… sous influenceLes pages les plus intéressantes de l’ouvrage sont assurément celles où les historiennes restituent, dans un style digne de Patrick Modiano, le parcours de cette intrigante actrice qui se nommait en réalité Anne Mourraille. Décrivant avec moult détails son itinéraire de Lyon, où elle passa son enfance, à Paris puis Nice, où elle vécut le début de la guerre, les historiennes parviennent à rendre la complexité de cette femme que ses options politiques extrémistes poussèrent à commettre l’irréparable.
Postérité de Marx Dormoy
Le mérite de leur livre ne réside cependant pas seulement dans la minutieuse résolution de ce « cold case » judiciaire. Son plus grand mérite consiste à avoir sorti Marx Dormoy du relatif oubli dans lequel il était tombé. La postérité de cet homme ne saurait être réduite au simple nom d’une station de métro parisienne ou à une poignée de rues à travers la France.
Comme l’écrivent Gayle K. Brunelle et Annette Finley-Croswhite, cet ancien héros de la Première Guerre, infatigable pourfendeur du fascisme hexagonal dans les années 1930, est devenu plus qu’un symbole, « un reproche moral aux dirigeants du monde entier qui refusent d’affronter les tendances autocratiques renaissantes au sein de leurs propres sociétés ».
* L’Assassinat de Marx Dormoy, enquête sur la « Cagoule », de Gayle K. Brunelle et Annette Finley-Croswhite, Nouveau Monde Éditions, 349 p., 21,90 euros.
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Publish date : 2024-06-25 14:00:00
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