Propos recueillis par Emmanuelle Souffi
Publié le 25 juin 2024 à 15h00, mis à jour le 25 juin 2024 à 15h01
Le maire de Lyon Grégory Doucet en 2022. ARNAUD PAILLARD / HANS LUCAS VIA AFP
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Entretien A la tête d’une majorité plurielle à Lyon, le maire écologiste Grégory Doucet témoigne des bienfaits d’un « front populaire territorial » et alerte sur les dangers que représenterait l’arrivée au pouvoir du RN en matière de lutte contre le réchauffement climatique.
A Lyon, le Rassemblement national (RN) a récolté deux fois moins de voix qu’ailleurs aux élections européennes. En réponse aux critiques sur le programme de la coalition de gauche, le maire de la troisième ville de France met en avant l’expérience lyonnaise qui, forte d’une majorité plurielle, témoigne des bienfaits d’« un Front populaire territorial » notamment sur les questions environnementales et sécuritaires. « La sécurité du quotidien est historiquement et fondamentalement un thème de gauche, estime-t-il. Car il est intrinsèquement lié à la promesse républicaine d’égalité. »
Quel regard portez-vous sur la situation politique actuelle ?
Aragon évoquait ces « temps déraisonnables ». Nous y sommes. Le président de la République nous a jetés dans un chaos qu’il avait préparé afin d’essayer de sauver son quinquennat. Les mots employés pour désigner certaines réalités sont inappropriés. La morale et l’éthique n’ont plus de sens. Renvoyer dos à dos l’extrême droite dont on connaît les racines, les valeurs, le programme profondément inégalitaire, et des partis politiques de gauche en les qualifiant d’extrêmes, alors que nous ne comptons chez nous aucun admirateur de Staline ou de Pol Pot, est déraisonnable.
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C’est-à-dire ?
Emmanuel Macron ne défend pas la devise du pays, il la fracture. Un président ne devrait pas dire ça : quand il qualifie le Nouveau Front populaire (NFP) de « parti immigrationniste », quand il estime qu’avec la gauche, il n’y aura plus de laïcité… Tout cela est faux, archifaux. La laïcité, c’est mon quotidien. Et les élus locaux sont les premiers remparts contre les atteintes qui lui sont faites. La loi de 1905 est l’une de mes boussoles.
Après la crise des « gilets jaunes », il avait fait de grandes déclarations sur une autre manière de gouverner. Il réitère cette promesse lundi dans sa lettre adressée aux Français. Mais il ne faut pas s’attendre à ce qu’un chef d’Etat qui n’a eu de cesse de fracturer la société change réellement et obtienne un résultat différent. A Lyon, nous avons réussi à maintenir un certain nombre de digues : aux élections européennes, le RN a fait 13,4 %, et les listes de gauche, plus de 48 %. Nous avons un socle électoral qui s’est consolidé et c’est heureux.
Pour le maire de la troisième ville de France, que signifierait un RN à la tête d’un gouvernement ?
Pardonnez-moi mais je préfère faire en sorte qu’au soir du 7 juillet, nous nous réjouissions d’une victoire du NFP. Avec les quatre candidats NFP, nous avons travaillé sur la sécurité, l’hébergement d’urgence, le logement, l’alimentation, les perturbateurs endocriniens, etc. Le NFP en responsabilité, avec un gouvernement à ses couleurs, c’est enfin la mise en place de politiques en faveur de l’urgence climatique.
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Lyon est une des villes pionnières en matière de décarbonation, avec des budgets considérables fléchés vers la transition écologique. Dans les crèches, 100 % des repas sont bio, 55 % dans les autres établissements. Nous favorisons la production locale et garantissons un revenu décent à nos agriculteurs. Tout ça grâce à une majorité semblable à un NFP territorial. Mais ce dont nous souffrons, c’est d’un manque d’engagement plus fort de l’Etat.
Mais si le RN arrive au pouvoir, l’enjeu climatique risque de passer au second plan…
Le RN est un vrai danger pour notre démocratie, notre République. Et notre planète. L’arrivée du RN au pouvoir entraînerait un coup d’arrêt à la lutte contre le changement climatique. Nombre de ses membres sont des négationnistes du réchauffement. C’est le parti qui ne regarde pas la réalité, qui vit de fantasmes et de promesses qu’ils ne pourront pas tenir. J’en appelle à la raison : il est temps d’accélérer notre transition écologique, c’est tout l’espoir porté par le NFP.
Mais comment obtenir des budgets dédiés si l’Assemblée nationale est incapable de fonctionner faute de majorité ?
Sur la transition écologique, regardons les choses en face : aujourd’hui, l’Etat est un maillon faible. Ce sont les villes qui investissent massivement. Gabriel Attal s’est récemment félicité des bons résultats de la France en matière de réduction des émissions de CO2. Mais qui agit ? Nous ! A Lyon, elles ont diminué de plus de 15 % depuis 2020. Car nous avons investi dans la rénovation thermique, le logement, les transports publics, les mobilités douces… Dans le cadre de la zéro artificialisation des sols, nous avons repris huit hectares de bitume. C’est autant de fraîcheur apportée dans la ville, de bien-être et de santé alors que les températures ont augmenté de 2,6 degrés depuis 1960 à Lyon. Les 140 millions investis dans la végétalisation, nous n’avons pas attendu que le gouvernement les finance. Le soutien principal provient de l’Europe.
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Sur la délinquance, la sécurité, le programme du NFP est peu détaillé… Les sujets régaliens sont-ils les maillons faibles de la gauche ?
Ces sujets, nous les prenons à bras-le-corps avec ma majorité. A Lyon, je privilégie une police de l’humain, présente dans l’espace public. C’est ainsi qu’on assure la sécurité de nos concitoyens. Nous avons investi 550 000 euros pour augmenter la rémunération des policiers municipaux, les équiper de caméras piéton. Le NFP ne fait pas l’impasse sur le régalien et ne souffre pas d’un manque de crédibilité. Lui aussi propose de rétablir une police de proximité. En jouant les pompiers pyromanes avec des réformes antisociales poussant les Français dans la rue, le gouvernement, lui, a surtout misé sur le maintien de l’ordre. La sécurité du quotidien est historiquement et fondamentalement un thème de gauche. Car il est intrinsèquement lié à la promesse républicaine d’égalité.
Jean-Luc Mélenchon souhaite « gouverner la France ». Est-il l’homme de la situation ?
Ça n’est pas la question du moment… Le NFP est une alliance de différents mouvements politiques qui font corps ensemble face au danger du RN. C’est donc le collectif qui désignera, in fine, celui ou celle qui se portera candidat à Matignon. Que certains ou certaines lèvent le doigt car ils ou elles s’en sentent capables, pourquoi pas. Mais moi, ce qui m’importe, ça n’est pas tant l’incarnation que la résistance face à ce qui menace notre démocratie. Et pour cela, nous devons cesser de nous opposer les uns aux autres. Chacun doit prendre ses responsabilités.
Les groupuscules d’extrême droite tels que les Remparts dont vous avez demandé la dissolution sont-ils plus actifs depuis la percée du RN ?
Ils sont trop actifs depuis bien trop longtemps. C’est pour cela que j’ai demandé au ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, leur dissolution ainsi que la fermeture du bar associatif géré par les Remparts, la Traboule, et de la salle de boxe l’Agogé dans le Vieux Lyon. Une victoire du RN le 7 juillet risque de libérer encore plus la violence. En paraphrasant François Mitterrand, l’extrême droite au pouvoir, « c’est la guerre ». Le parti de Marine Le Pen compte les plus grands admirateurs de Poutine. Ces gens sont fascinés par la guerre. Et nous, nous voulons la paix.
Propos recueillis par Emmanuelle Souffi
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Publish date : 2024-06-25 13:00:03
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