C’est l’image politique du week-end : le « cul sec » de François Hollande sous les hourras des joueurs de rugby du club de Bort-les-Orgues (Corrèze) qui fêtaient le 120e anniversaire de leur association.
Une bière bue cul sec plus tard, lors d’un passage aux 120 ans du club de rugby de Bort-les-Orgues. @fhollande parcourt la Corrèze… @ParisMatch pic.twitter.com/xxnuUcTgkJ
— Florent Buisson (@FlBuisson) June 22, 2024
Tout le monde n’avait pas forcément mesuré l’importance de ce dernier et seul week-end avant les élections législatives et (sans doute) la bascule inquiétante vers une autre assemblée et un autre gouvernement. Pour les marchés de plein air, les fêtes de village, les banquets, le tractage, le porte à porte, les sorties de messes, les visites aux clubs de foot et autres élections de rosières, c’était maintenant ou jamais.
Lire aussiEdito – Attal, Darmanin, Le Maire, le tir groupé contre Macron
Vieux briscard, jamais découragé et connaissant parfaitement les limites mais aussi les ressources non négligeables de son pouvoir de séduction, François Hollande, bientôt 70 ans, candidat à la députation dans la première circonscription de la Corrèze, a su exploiter l’opportunité mieux que personne avec des incidences politiques peut-être importantes.
Et pourtant on vient de loin. Trois jours plus tôt, la caméra rigolarde d’une équipe de Quotidien, l’émission de Yann Barthes sur TMC, croyait avoir réglé son sort et épuisé le sujet, en montrant l’ancien président de la République seul, sous la pluie, au marché de Tulle, à la recherche d’un sourire ou d’une poignée de main qui se faisaient rare. Cruelle séquence pour qui s’intéresse au fossé qui se creuse entre les deux France et aux images que l’on affectionne à Paris pour montrer la France profonde.
Une pintade ne fait pas le printemps
« Je vais vous prendre une pintade », demandait-il avec assurance à une marchande qui ne vendait que des poulets, et lui refusa finalement la vente car elle ne prenait pas les cartes bancaires. On avait ri, de ce politicien sur le retour, décidément malchanceux qui se consola avec la crêpe qu’on lui avait offerte un peu plus tôt sur un autre stand… Même pas capable d’acheter une pintade sur un marché, comment voulez-vous lui demander de régler le conflit russo-ukrainien ?
Plus que jamais, alors que l’on sait par cœur à quel point Yann Barthes et son équipe savent nous faire rire en filmant les loosers de la France périphérique, on a cru que l’ex s’était bien mépris sur ses chances d’un retour dans la lumière.
Viral sur les réseaux sociaux
Tout a peut-être changé ce samedi. En buvant d’une traite la pinte de bière que lui ont tendue les supporters du club de rugby de Bort-les-Orgues (Corrèze), Hollande a réussi un coup de maître. Sans rien renier de ce qu’il est, l’ex président au profil rondouillard, un peu gaffeur, un peu rieur, seul homme politique français capable d’autodérision, avec son immuable costume cravate de notable, a saisi l’attention et la sympathie non seulement de la centaine d’électeurs présents, mais aussi des réseaux sociaux qui ont largement relayé ce futile exploit pendant tout le week-end.
« François on t’aime, François on t’adore, encore plus fort que le pastis d’Andorre… et glou et glou… il est des nôtres, il a bu son verre comme les autres ». Tout le monde connaît la chanson. Enfin, tout le monde dans cette France qui a bougrement tendance à douter de la façon dont Paris décide de son sort. Une France qui a encore plus tendance à s’inquiéter de l’alliance contre nature de la gauche cassoulet avec les militants de la gauche pro palestinienne et bien souvent wokiste.
Une carte postale envoyée à son successeur
Sandrine Rousseau qui s’était indignée il y a un an juste, quand Emmanuel Macron avait « sifflé » cul sec lui aussi, une corona (25 cl seulement) dans les vestiaires de la finale du Top 14, n’a pour le moment rien trouvé à redire au lever de coude encore plus triomphal et acclamé de Hollande. Lui chercher querelle sur le caractère patriarcal et pro alcool de son geste n’est pas forcément très payant, bien que parfaitement recevable. Au passage, la séquence de la bière de Hollande sera vue comme une jolie carte postale envoyée à son successeur.
Mais alors que le Nouveau Front Populaire peine à s’extirper de la figure embarrassante de Jean-Luc Mélenchon, qui vient à nouveau de se placer en candidat au poste de premier ministre au risque de perdre des voix au centre, ce Hollande qui revient sous les bravos, rééquilibre l’alliance de gauche. Avec son triomphe sur un territoire historiquement attaché à une gauche jauréssienne, radicale et chiraquienne, l’ex-président joue une carte intéressante. Il rassure cet électorat modéré de gauche qui avait rejoint le camp macronien et qui peine à approuver les éructations pas toujours appétissantes mais rarement joyeuses de Mélenchon. Il capte aussi ces franchouillards, bons vivants que le communiste Fabien Roussel avait su intéresser lors de la présidentielle, en affichant son goût pour un bon steak. Digne de Chirac avec ses pommes en 1995.
Lire aussi« J’ai l’intention de gouverner ce pays », la phrase de Mélenchon qui embarrasse la gauche.
La campagne est courte, les images comptent plus que les nuances et les longs discours. Raphaël Glucksmann, artisan d’une belle remontée de la gauche modérée aux européennes, aujourd’hui à peu près inaudible, en fait l’amère expérience depuis le 9 juin au soir. Si la rivalité à gauche devient un face-à-face entre Hollande et Mélenchon, on pourra pleurer le manque de renouvellement de la classe politique mais on pourra aussi faire le constat que la flamme peut aussi jaillir des vieux fourneaux.
Source link : https://www.challenges.fr/politique/le-cul-sec-de-hollande-reequilibre-le-nouveau-front-populaire_897253
Author :
Publish date : 2024-06-23 14:43:00
Copyright for syndicated content belongs to the linked Source.