La vacuité du niveau du débat politique, contaminé par une bonne dose de cynisme, conduit de plus en plus de députés — sans qu’ils en aient forcément conscience — à basculer dans une forme de complotisme. Cette dérive avance masquée, derrière la posture prétendument vertueuse du « déni de démocratie ». À l’issue des élections législatives, pour lesquelles les électeurs se sont déplacés en masse (66,63 % de participation), le Rassemblement national obtient plus de 10 millions de voix, mais ne récolte que 143 sièges. La majorité présidentielle avec 6,6 millions de voix, envoie 159 députés à l’Assemblée nationale. Le Nouveau Front populaire, avec 7 millions de voix, devient la première force politique de l’hémicycle, avec 180 sièges.
« Déni de démocratie », dénonce Jordan Bardella, travestissant ainsi une réalité : le désaveu des électeurs. Le peuple a parlé et a délibérément, en conscience, décidé de ne pas donner la majorité absolue au Rassemblement national, lui préférant l’inconfort du front républicain. Des électeurs de gauche ont ainsi apporté leur soutien à des candidats macronistes ou LR, exprimant un choix démocratique. Contrairement à l’argument trumpiste du « peuple auquel on a volé le vote », la réalité est celle du reflet fidèle d’un refus du peuple à être gouverné par le RN.
« Déni de démocratie », hurlent les élus du Nouveau Front populaire, meute bien dressée par son chef Jean-Luc Mélenchon qui revendique le pouvoir. Les Français auraient massivement voté pour le programme du NFP, il doit donc être appliqué dans sa totalité, sans compromis. Déni de réalité. Combien de députés LFI, PS ou écologistes ont été élus grâce aux voix d’électeurs du camp présidentiel, voire de la droite républicaine ? De façon grossière, puis pathétique, le Nouveau Front populaire tord le vote de barrage des Français en un vote d’adhésion à ses idées. Yaël Braun-Pivet réélue à la présidence de l’Assemblée.
« Déni de démocratie », reprennent en chœur NFP et RN. Aucune vice-présidence accordée au RN, « déni de démocratie » encore, s’indigne le groupe de Marine Le Pen. À l’issue des élections aux postes à responsabilité au sein de l’Assemblée, aucun poste pour les RN. « Hold-up ! » dénonce Éric Ciotti, prenant fait et cause pour ses nouveaux alliés. Au passage, il se targue d’avoir choisi « une alliance avec le RN » qu’il revendique comme étant un choix politique respectable, mais dénonce celle de ses adversaires politiques qui lui est défavorable. D’un côté, la noblesse de son engagement, de l’autre, la honte de ceux qui passent des compromis pour dégager un accord politique.
Le chœur de la démocratie est l’expression de la volonté du peuple. À l’aune de ce seul critère, la mise en œuvre du front républicain exprimé dans les urnes par les électeurs, se prolonge à l’Assemblée par ceux qui s’y tiennent strictement. Il n’y a ni « magouilles », ni « tambouilles », là encore ceux qui s’indignent par frustration davantage qu’avec le souci de l’intérêt du peuple, récusent le fait qu’en démocratie, négocier des accords, trouver des compromis pour rassembler une majorité quand elle n’est pas induite par le vote, relève du bon fonctionnement de la démocratie.
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Sans s’étendre sur les exemples donnés par nos voisins, rappelons que les écologistes allemands ont conclu un accord de gouvernement avec les libéraux, sous la conduite d’un Premier ministre social-démocrate. Le peuple allemand ne se sent pas « volé » ou soumis à des « tambouilles », il voit dans cet attelage, la traduction de son expression.
La démocratie n’induit pas nécessairement l’écrasement de l’opposition sous la domination d’une majorité uniforme. Nous, Français, avons été mal habitués par un fait majoritaire qui domine toute notre organisation politique au point de donner trop souvent le sentiment que nous vivions dans une forme d’absolutisme républicain. Mais en s’y noyant, nous avons dévoyé le sens de la démocratie au point de l’invoquer pour tordre une réalité qui aujourd’hui ne s’incarne plus dans le fait majoritaire.
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Publish date : 2024-07-20 12:16:16
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