Rétablissement de la police de proximité, suppression de la réforme Darmanin, interdiction des LBD… Le Nouveau Front populaire a récemment dévoilé un programme qui pourrait bien sonner le glas de la sécurité en France. Ce projet, qui vise à reformer la sécurité et la justice en France, suscite de nombreuses interrogations quant à sa mise en œuvre pratique et aux ressources financières nécessaires, et soulève donc des doutes sur sa faisabilité.
Tout d’abord, dans l’objectif de rétablir la confiance entre les forces de l’ordre et les citoyens, le NFP prône le rétablissement de la police de proximité, supprimée sous Nicolas Sarkozy en 2003. Si l’initiative peut paraître séduisante, elle nécessiterait un investissement significatif, tant en ressources humaines qu’en moyens financiers. Un rapport du ministère de l’Intérieur évalue le coût de formation d’un policier autour de 100 000 euros, rendant l’ajout de milliers de nouveaux agents extrêmement coûteux. Réduire les tensions et améliorer la sécurité locale par le faisceau d’une police à un prix : 2,87 Md€ sur un quinquennat. C’est le chiffre estimé par L’Institut Montaigne, faudrait-il encore que sa mise en œuvre soit indiscutable. La proposition ne détaille ni les caractéristiques envisagées de la police de proximité, ni le volume des effectifs à mobiliser.
Cette initiative se double par la suppression de la réforme Darmanin fortement critiquée d’une part, par les syndicats de police notamment Unité SGP Police-FO qui avait manifesté son mécontentement en janvier 2024 à travers des actions symboliques, comme des parcours en bus dans Paris, pour dénoncer le manque de clarté concernant l’organisation du travail, en particulier à l’approche des Jeux olympiques, la centralisation excessive et la surcharge de travail. D’autre part, sur le front de la Justice, les magistrats craignent que la centralisation oblige les juges à « négocier » les moyens nécessaires pour leurs enquêtes, compromettant l’indépendance judiciaire.
Interdiction des LBD et des BRAV-M
Parallèlement, l’interdiction des lanceurs de balles de défense (LBD) ainsi que le démantèlement des Brigades de Répression de l’Action Violente Motorisée (BRAV-M), sont également au programme. Des mesures qui suscitent la colère (ou l’inquiétude ?) des syndicats de police, comme Unité SGP police-FO, exprimant des préoccupations quant à la sécurité des agents sans ces équipements. « Lors des manifestations des Gilets Jaunes, le maintien de l’ordre était particulièrement ardu, les CRS ont été sauvés grâce aux tirs de LBD, appuie Grégory Joron, secrétaire général du syndicat. Face aux risques, aux méthodes d’expression dans les manifestations dont on sait de plus en plus violente, l’armement intermédiaire est primordial. C’est la manière de pouvoir clairement graduer l’emploi de la force. »
Note : La suppression entraine des économies générées estimées à 408 M€ annuels estime L’institut Montaigne. Des économies ok mais à quel prix ? Surtout que ça ne représente que 2% du budget du ministère selon la même source.
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Le renforcement des effectifs de la police judiciaire est également une priorité. Selon le Syndicat des Cadres de la Sécurité Intérieure (SCSI), le manque actuel de personnel spécialisé compromet l’efficacité des enquêtes. Le SCSI estime qu’il manque environ 2 000 enquêteurs pour gérer la charge de travail actuelle. Même si compenser ce déficit reste un défi crucial pour améliorer les capacités opérationnelles, le processus de recrutement et de formation demeure long et coûteux. « Nos services sont déjà saturés », déclare le secrétaire général d’Unité SGP police-FO. Soit ils créent des structures, soit, ils envoient les 2 000 enquêteurs en investigation. Augmenter les effectifs est indispensable, mais cela prendra du temps. »
Nouveau code de déontologie et organisme Indépendant
Le NFP prévoit également la création d’un nouveau code de déontologie et le remplacement de l’IGPN et de l’IGGN par un organisme indépendant rattaché à la Défenseure des droits, afin d’accroître la transparence. Le Conseil de l’Europe recommande souvent des mécanismes de surveillance indépendants pour garantir l’impartialité des enquêtes sur les comportements policiers. La transition vers ce nouvel organisme nécessiterait des réformes juridiques et administratives complexes. L’expérience britannique avec l’Independent Office for Police Conduct (IOPC) montre que de telles réformes peuvent prendre plusieurs années pour être pleinement opérationnelles. « Cette mesure est surtout idéologique. On va mettre l’inspection à la Défenseure des droits parce que l’IGPN n’est pas indépendante et qu’elle couvre justement les policiers considérés violents », déclare le Secrétaire Général d’Unité SGP police-FO.
Renforcement des moyens judiciaires
Pour garantir un traitement juste et rapide des procédures, l’augmentation des moyens de la justice est indispensable. Cela inclut l’embauche de magistrats, greffiers et agents de la protection judiciaire de la jeunesse. Une analyse de la Cour des Comptes révèle que le système judiciaire français souffre d’un manque chronique de personnel, entraînant des délais de traitement longs et des charges de travail insoutenables pour les magistrats. Le nombre de magistrats en France est l’un des plus bas d’Europe par habitant, ce qui affecte directement l’efficacité des procédures judiciaires. Des investissements significatifs sont nécessaires pour remédier à cette situation, mais le contexte budgétaire actuel pose des contraintes importantes. « Sans une augmentation substantielle des effectifs, les délais judiciaires continueront de s’allonger », avertit un magistrat du Syndicat de la Magistrature.
Lutte contre la surpopulation carcérale
Le programme prévoit également des actions pour lutter contre la surpopulation carcérale et améliorer les conditions de détention. Cela inclut la construction de nouvelles infrastructures pénitentiaires et la mise en œuvre de mesures alternatives à l’incarcération. Selon le ministère de la Justice, les prisons françaises sont occupées à plus de 120% de leur capacité, une situation qui engendre des conditions de détention déplorables et des tensions internes. La construction de nouvelles prisons est envisagée, mais elle requiert des investissements de plusieurs milliards d’euros et une planification à long terme. « Nous avons besoin de solutions rapides et efficaces pour désengorger les prisons », affirme un porte-parole de l’administration pénitentiaire.
Récépissés pour les contrôles d’identité
Enfin, le NFP propose la mise en place de récépissés pour les contrôles d’identité, une mesure visant à prévenir les discriminations. Ce système, expérimenté à Paris, a montré des résultats mitigés. Une étude de l’Université de Lille montre que, bien que cette mesure puisse améliorer la transparence et la confiance entre la police et les citoyens, sa mise en œuvre généralisée nécessite une infrastructure administrative robuste et des formations supplémentaires pour les agents. Un responsable de la police parisienne précise : « L’introduction des récépissés est un défi logistique majeur, nécessitant une formation adéquate pour éviter tout dysfonctionnement. »
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Publish date : 2024-07-12 16:47:22
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