Pour financer (en partie) son programme, le Nouveau Front populaire souhaite augmenter la pression fiscale sur l’économie française. Avec 48% du PIB selon Eurostat, le taux de prélèvement obligatoire en France est le plus élevé d’Europe, près de 6 points au dessus de la moyenne de la zone euro.
Une taxe sur les « superprofits », une hausse des cotisations vieillesse, un nouveau barème à 14 tranches de l’impôt sur le revenu (jusqu’à 90%), la suppression du prélèvement forfaitaire sur les revenus du capital et le retour à une progressivité, une hausse du taux d’impôt sur les sociétés, les heures supplémentaires, l’épargne salariale et les dividendes soumis à cotisation, le rétablissement d’un impôt de solidarité sur la fortune ou encore des droits de succession plus progressifs avec plafond maximal de 12 millions d’euros au-delà duquel le taux est de 100%…
Voilà les principales mesures fiscales du Nouveau Front populaire pour augmenter les recettes dans l’optique de financer ses dépenses sociales. Un bouclage insuffisant de l’aveu même de la socialiste Valérie Rabault qui estime que les déficits devraient rester au-delà des 5% du PIB au moins jusqu’en 2026. Mais qui selon les calculs d’autres économistes comme ceux de l’Institut Montaigne conduirait plutôt à un déficit supérieur de 6 points de PIB par rapport à son actuelle trajectoire (la même hausse que durant le Covid en 2020).
Au-delà du bouclage, la question de la hausse de la fiscalité interroge. L’économie française pourrait-elle supporter une hausse d’environ 54 milliards d’euros des prélèvements obligatoires, soit 1,9 point de PIB? Si le NFP assure que la classe moyenne, c’est à dire les Français qui gagnent moins de 4.000 euros, ne verra pas ses impôts augmenter, le taux de prélèvement obligatoire pourrait atteindre des niveaux jamais vus dans le pays.
Selon l’Insee, le taux de prélèvement obligatoire qui comprend les cotisations, les impôts sur la consommation, les revenus des ménages ou encore le chiffre d’affaires et les bénéfices des sociétés s’est établi à 45,4% du PIB en 2022 contre 44,6% en 2016 et 42,7% en 2011.
10 points de PIB au dessus de l’Espagne
Selon Eurostat cependant ce taux était cette année-là de 48%. La différence entre les deux organismes tient au fait qu’Eurostat prend en compte dans son calcul les crédits d’impôt et les cotisations sociales dites imputées qui ne passent pas par une caisse ou une administration publique.
Cette méthodologie permet de comparer la France avec ses voisins européens. Ainsi avec un taux de prélèvement de 48% en 2022, la France est de loin le pays d’Europe à la pression fiscale la plus élevée. Elle devance la Belgique (45,6%), l’Autriche (43,6%) ou encore l’Italie (42,9%), le Danemark (42,5%), l’Allemagne (42,1%) et se situe largement au-dessus de l’Espagne (38,3%).
La France se situe ainsi 6,1 points au dessus de la moyenne de la zone euro et près de 7 points au dessus de la moyenne de l’UE.
Où est-ce que la France se distingue pour avoir un tel taux de prélèvement? Au niveau européen, détaille le site Fipeco spécialisé dans les comptes publics, le taux de prélèvement en France est plus élevé (ou égal) à la moyenne dans toutes les catégories.
Mais il y en deux pour lesquelles des baisses ont eu lieu ces dernières années: les cotisations sociales et l’impôt sur les sociétés.
La France se distingue par des niveaux d’imposition particulièrement élevés sur le chiffre d’affaires des entreprises. – Fipeco »Le poids des cotisations sociales a nettement diminué en France ces dernières années, mais il était encore supérieur de 2 points à la moyenne de la zone euro en 2022, rappelle le site Fipeco. En particulier, le poids des seules cotisations patronales restait supérieur de 2,4 points à cette moyenne européenne. »
Néanmoins le taux de prélèvements sociaux est désormais moins élevé en France que chez certains de nos grands voisins comme l’Allemagne.
Idem pour l’impôt sur les bénéfices. Le taux d’impôt sur les sociétés (IS) est passé de plus de 33% à 25% sous le premier quinquennat Macron, ramenant la France longtemps décrochée dans la moyenne européenne. Désormais la France est dans la moyenne de la zone euro en terme de poids dans le PIB.
La France se distingue sur les impôts sur la production
Concernant la consommation, les prélèvements français sont plus élevés que la moyenne européenne et qu’en Allemagne. Ce n’est pas tant le taux de TVA qui est en cause ici. Le taux moyen théorique de la TVA (en prenant compte tous les taux réduits) est même plutôt inférieur en France qu’ailleurs, comme le rappelait la Cour des compte.
« Le calcul par les rapporteurs d’un « taux moyen théorique » pondéré par la consommation moyenne met en évidence que la TVA payée effectivement par un ménage est supérieure au Danemark (22,85 %), en Allemagne (15,49 %) et au Royaume-Uni (15,27 %) qu’en France (14,91 %) », indique un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires.
La différence française s’explique par des taxes spécifiques appliquées à des produits particuliers comme l’énergie, l’alcool, le tabac ou encore les assurances.
Mais l’écart le plus important entre la France et ses voisins concerne les impôts sur la production. Il s’agit d’un ensemble hétérogène de taxes sur les salaires, les actifs (taxe foncière) mais principalement le chiffre d’affaires des entreprises. Malgré une diminution entre 2017 et 2022, les impôts sur la production sont en moyenne deux fois plus élevés en France qu’en Europe et près de cinq fois par rapport à l’Allemagne.
« Les impôts sur la production payés par les sociétés (donc hors entreprises individuelles) représentaient 3,3 % du PIB en France en 2022 pour une moyenne de 1,5 % dans la zone euro et 0,7 % en Allemagne », explique la note de Fipeco.
Un enjeu de compétivité pour la France qui chercher à attirer les investissements internationaux pour réindustrialiser le pays. D’où les baisses promises de CVAE (un des impôts de production) par Bruno Le Maire.
Quels effets sur l’économie française pourrait avoir une hausse massive de prélèvement dans le pays qui prélève déjà le plus en Europe?
Pour rappel, les dernières hausses massives d’impôts ont eu lieu en France entre 2011 et 2013 pour rétablir les finances publiques après le choc budgétaire de la crise financière de 2008. Les gouvernements Fillon puis Ayrault avait augmenté en trois ans la fiscalité de 65 milliards d’euros à coup de rabot sur les allégements de charges, taxes sur les assurances, fin de TVA réduites, gel du barème d’impôt sur le revenu, fiscalisation des heures supplémentaires, rétablissement du barème de l’ISF…
Recul de pouvoir d’achat et récession
Des hausses qui avaient entraîné un recul du pouvoir d’achat de 0,4% en 2012 selon l’Insee, à l’époque la première depuis 1984. Et qui avait eu un effet récessif sur l’économie avec une croissance inférieure à 1% jusqu’en 2015. Ce qui s’était traduit par une hausse continue du chômage jusqu’à fin 2015 passé de 9 à 10,3% de la population active quand la plupart des pays européen comme l’Allemagne voyait leur chômage refluer dès 2012.
La différence, c’est que cette fois le NFP souhaite accompagner cette hausse de très importantes dépenses publiques en faisant le pari que qu’elles créeront davantage de richesses, selon un effet multiplicateur particulièrement fort, parfois nommé « consommation populaire ».
Reste à démontrer que ces dépenses publiques ne creuseront pas davantage le déficit commercial de la France dans le rouge chaque année depuis 2006 et l’accélération de la désindustrialisation du pays.
« Je pense qu’on atteint des taux d’imposition dans notre pays que beaucoup de gens jugent excessifs, des taux de prélèvement obligatoire qui ne peuvent pas être dépassés », déclarait ainsi Pierre Moscovici, ministre de l’Economie de François Hollande en 2013 à des lecteurs du Parisien.
Ce taux a depuis été dépassé de près de 2 points de PIB, soit plus de 280 milliards d’euros d’impôts supplémentaires.
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Publish date : 2024-07-09 13:24:42
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