Peu de voix au sein du Nouveau Front populaire appellent à un gouvernement de coalition. Si la gauche veut gouverner seule, elle cohabitera avec le chef de l‘État et devra se préserver d’une censure.
Comment une alliance relativement hétéroclite de quatre forces de gauche distinctes, arrivée en tête à l’issue d’un deuxième tour d’élections législatives partielles, peut-elle gouverner alors qu’il lui manque pas moins de 107 députés pour avoir une majorité absolue à l’Assemblée nationale ? Une question, deux premières réponses, avec l’éclairage du politologue montpelliérain Michel Crespy.
La coalition, c’est non
Revenons à la question initiale : comment le Nouveau Front populaire peut-il gouverner ? « Il ne peut pas, comment le pourrait-il ? », commence par répondre Michel Crespy, avant de nuancer son propos.
Car on part ici sur l’hypothèse, réaffirmée avec vigueur dimanche soir et lundi matin, de Jean-Luc Mélenchon à Olivier Faure, d’une gauche qui dit non à toute idée de gouvernement de coalition. Seul Raphaël Glucksmann, dimanche sur France 2, rappelait son expérience d’un mandat de député européen, laissant entendre qu’il était rompu à l’art de la négociation et de la recherche du compromis entre mouvements politiques d’obédiences différentes.
Tous les regards tournés vers le 18 juillet
Mais ce qui est possible à Bruxelles ou à Strasbourg, en Allemagne ou en Italie, pour citer deux démocraties parlementaires de nations comparables à la France, le serait-il dans un pays qui, sous la Ve République, n’a jamais connu ce type d’expérience ?
« Les trois blocs principaux sont à touche-touche en nombre d’élus. Et puis que vont faire les Républicains, avec autant de positionnements possibles que ce qu’ils comptent de députés ? Je pense que Macron va désormais attendre le 18 juillet et la session ordinaire de l’Assemblée nationale qui durera deux semaines. Là, notamment dans le cadre de l’élection du président de l’Assemblée nationale, il va pouvoir observer les équilibres qui se forment dans l’hémicycle, et comment se dessine, ou pas, une majorité » relève encore le Montpelliérain Michel Crespy.
Un bloc central introuvable ?
Dit autrement : la réalisation d’une coalition apte à trouver une majorité absolue à l’Assemblée, et capable de travailler ensemble au sein du gouvernement, une coalition d’un bloc central qui irait du centre-droit au centre-gauche, comme la théorisait jadis François Bayrou, comme la formalisa en 2017 Emmanuel Macron, ou comme voudrait la reconstruire désormais Édouard Philippe, semble aujourd’hui hautement improbable.
Même si, insiste Michel Crespy, « avec trois blocs au lieu de deux, pour fonctionner, il n’y a que la coalition. Mais LFI n’en veut pas, une partie du PS non plus, Sandrine Rousseau idem. Au sein du NPF, ils sont très minoritaires, en fait, ceux qui privilégieraient la solution de la coalition ».
La cohabitation, c’est la solution
Si l’on évacue les pistes d’un gouvernement technique, ou des affaires courantes, comme l’Italie, encore, ou la Belgique (pendant un an et demi !) ont pu l’expérimenter, il ne reste qu’une seule option envisageable : la cohabitation.
Où un Premier ministre issu du NFP est proposé à Emmanuel Macron, qui le charge de former un gouvernement uniquement composé de ministre venus eux aussi du NPF. Voire de sympathisants de gauche en provenance de la société civile. « La gauche qui gouverne seule court le risque d’une censure rapide, vu qu’elle est très loin d’avoir une majorité absolue. Cependant, pour qu’elle soit renversée, les oppositions doivent s’unir. Et je ne vois pas Ensemble voter d’emblée avec le RN. Ils vont laisser la gauche démarrer, c’est le plus probable » estime Michel Crespy.
« En marchant sur des oeufs »
Ce qui ne garantit rien sur le long terme : « On peut imaginer ce gouvernement de gauche qui débuterait en marchant sur des œufs, prenant soin de ne pas tenter de faire adopter à l’Assemblée des mesures qui déplairaient à la fois au RN et à Ensemble. Suspendre la réforme des retraites ou augmenter le smic, ça pourrait passer, car le RN est d’accord avec ces mesures. S’ils veulent rester cohérents avec leur programme, sur ces propositions-là, ils ne pourraient pas voter la censure. »
L’occasion de rappeler que si un gouvernement venait à être rapidement renversé, cela n’impliquerait pas une nouvelle dissolution, la prochaine n’étant possible que dans un an.
Rentrée en terre inconnue ?
Et de souligner, qu’au 1er août, une fois la session ordinaire du 18 juillet bouclée, l’Assemblée est en vacances, jusqu’au 1er octobre, la Constitution dixit. Sauf à ce que la gauche, soucieuse de faire passer en urgence nombre de mesures, demande au chef de l’État de convoquer avant cette échéance une session extraordinaire, lui seul en ayant le pouvoir. « Mais Macron refusera » pronostique Michel Crespy.
Dans ce cas-là, retrouvailles attendues, donc, à la rentrée. Et en terre probablement inconnue.
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Publish date : 2024-07-08 15:45:00
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