Au snack-bar « Le Piccolo », les tables demeurent clairsemées au lendemain du premier (et unique) tour des législatives de 2024, dans la 8e circonscription du Var.
Journal Var-matin entre les mains, Marie-France Peix anime le débat d’une voix forte, passant en revue les résultats commune par commune: « T’as vu ça, au Bourguet, ils ont voté à 69,23% [pour Philippe Schreck (RN)] ! », s’étrangle cette habituée de 82 ans. Son doigt s’arrête sur le seul bourg de la circonscription – le « confetti rouge » – ayant voté en majorité pour le Nouveau Front populaire (NFP), à la place du Rassemblement national (RN). Le sien: Trigance.
Sarah Breffy (Place publique) – qui avait symboliquement démarré sa campagne dans ce « bastion de la gauche » – y a récolté 54% des voix, contre 26% pour le RN.
« Trigance a toujours voté à gauche »
Il n’empêche, cette spécificité trigançoise n’encourage pas les langues à se délier. Plusieurs habitants refusent de s’exprimer sur la nature de leur vote, ou de commenter la politique locale: « Ici, tout le monde se connaît. Parler politique, ce n’est pas bon, surtout lorsqu’on possède un commerce », justifie-t-on. « Chacun fait comme il veut », tranchent d’autres.
Toujours est-il que pour certains, cette résistance face à la vague RN demeure une « fierté » à revendiquer. « Nous sommes les irréductibles Gaulois », illustre Michelle, qui confie avoir glissé un bulletin NFP dans l’urne. Un réflexe quasi pavlovien? « Trigance a, en tout cas, toujours voté à gauche », assure Marie-France. Presque vrai.
En 2012 déjà, les socialistes écrasaient la concurrence avec 81,69% des voix; la France insoumise, elle, trustait 56,91% des suffrages en 2022, battue uniquement au lendemain des présidentielles, en 2017, où la République en marche (REM) avait bénéficié de l’état de grâce d’Emmanuel Macron, avec 85% des voix récoltées face au RN.
Un RN qui monte, malgré tout
Comment expliquer ce succès à contre-courant? « On s’occupe les uns des autres, il y a toujours eu un lien entre les Trigançois: le partage, la cohabitation », tente Luc Bastiani, conseiller municipal, assesseur et boulanger du village.
Mais même au cœur de la dernière commune encore de gauche – où le nombre d’encartés au Parti socialiste (PS) se serait « effondré » – le RN n’a pas dit son dernier mot: « Ils ont obtenu 40 bulletins, alors qu’avant le chiffre était contenu à une grosse dizaine », admet Gilbert Suzan, délégué à la culture.
« Des votes de contestation, rien de plus », se persuade Nicolas, employé de mairie. Mais la crainte est là: « Je suis une enfant de la Seconde Guerre, je sais ce qu’il s’est passé. Et aujourd’hui, ça me fait peur », s’inquiète Marie-France.
Pour ces législatives, les Trigançois semblent avoir, au final, davantage opté pour une idéologie que pour Sarah Breffy: « Même si elle parle bien, elle ne connaît pas le Haut-Var, et personne ne connaît vraiment cette candidate non plus », regrette Gilbert Suzan.
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Publish date : 2024-07-01 18:45:00
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