Le délirant programme du Nouveau Front populaire ne repose évidemment sur aucune analyse économique sérieuse et qu’il soit soutenu par une pelletée d’universitaires ne nous dit pas grand-chose de sa qualité. L’argument d’autorité « notre programme est le meilleur car nous sommes les plus diplômés » fut celui de Didier Raoult durant la pandémie de Covid, lui qui qualifiait cette maladie de « grippette » traitable à l’hydroxychloroquine. On sait ce qu’il est aujourd’hui de ce génial diagnostic.
De fait, le programme du NFP (qui est en réalité celui de La France insoumise) détruirait les incitations productives dans notre pays. Par exemple, introduire un ISF avec un taux de 3 % et une assiette qui englobe les biens professionnels, assortis à une tranche marginale de l’IR de 90 % au-dessus de 400 000 euros bruts par an et à une instauration d’une CSG progressive obligerait les créateurs d’entreprises technologiques qui ont réussi à créer de la valeur à vendre leur capital pour s’acquitter des impôts. On peut en faire la démonstration chiffrée en 5 minutes sur une nappe de restaurant.
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Autrement dit, la mise en place du programme fiscal du NFP aboutirait à un transfert rapide et massif du capital économique de la France vers l’étranger ce qui, au bout du compte, appauvrirait tout le monde, y compris, évidemment, les classes populaires. Autres exemples d’absurdité : l’abrogation des dispositifs qui permettent (difficilement) aux propriétaires d’expulser un occupant qui ne paie pas son loyer ou la hausse de 14 % du SMIC assortie d’un blocage des prix des produits de première nécessité. Avec de telles mesures, l’offre de logements chuterait, ce qui ferait exploser les loyers. Les pertes des commerçants s’envoleraient, ce qui, de l’aveu même de Manuel Bompard, obligerait l’État à les secourir.
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Le message est clair : l’interdiction pour les classes populaires de s’élever socialement
Dès lors, il convient de se demander la raison profonde qui en amène certains à proposer un tel programme et d’autres à voter en sa faveur. Cette raison se nomme ressentiment social, une puissante passion dans notre pays. L’idée est de punir ceux qui, ayant créé une entreprise, ayant pris des responsabilités en entreprise, ayant constitué un parc de logements pour le louer, en retirent des revenus significatifs et constituent un patrimoine, pourquoi pas pour le transmettre à leurs enfants. Évidemment, cette soif de vengeance atteint son climax devant le patrimoine des milliardaires.
Erwan Le Noan, dans son excellent ouvrage L’Obsession égalitaire, publié en 2023 aux Presses de la Cité, a pourtant montré que le visage de la richesse avait changé.
Les personnes les plus riches sont aujourd’hui, beaucoup plus souvent que par le passé, des entrepreneurs qui ont réussi, qui développent des activités, qui investissent dans la culture. Mais peu importe puisque la réussite et le mérite sont par essence suspects. Il est d’ailleurs significatif que le programme du NFP propose conjointement d’augmenter la progressivité de l’IR, de mettre en place une progressivité de la CSG, de taxer davantage les patrimoines et d’instaurer un exit tax pour ceux qui voudraient échapper à l’enfer fiscal.
Le message envoyé est clair : l’interdiction pour les classes populaires et moyennes de s’élever socialement. N’y cherchez pas de rationalité économique, il n’y en a pas. Ce programme est basé sur le ressentiment et non sur la raison, c’est en ce sens qu’on peut le qualifier de populiste.
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Baser une politique sur le ressentiment, c’est ajouter du malheur à notre beau pays.
D’après les données de l’OCDE, la France est, parmi les pays riches, le plus redistributif d’entre tous.
D’après l’INSEE, avant redistribution, les 10 % de ménages les plus aisés disposent d’un revenu 18 fois supérieur aux 10 % les plus pauvres. Après redistribution, ce multiple passe de 18 à… 3, en particulier grâce à la quasi-gratuité de l’éducation et à la mutualisation des dépenses de santé. Au fond, on pourrait presque affirmer que notre pays ne souffre pas d’un excès d’inégalités mais au contraire d’un excès d’égalitarisme. Car les inégalités ne sont pas forcément inefficaces, mais elles ne sont pas non plus forcément injustes.
Comme l’a montré John Rawls dans sa célèbre théorie de la justice de 1971, tant que la situation des personnes les plus pauvres s’améliore, un accroissement des inégalités n’est pas un problème. En France, il semblerait que la grande pauvreté augmente. Mais davantage à cause des ratés de notre système éducatif, du manque de logement et de la désindustrialisation que de nos multimillionnaires et de nos milliardaires, que nous avons tout intérêt à garder chez nous.
Baser une politique sur le ressentiment, c’est être sûr d’ajouter du malheur et de la tristesse à notre beau pays.
*Économiste et essayiste, Nicolas Bouzou a fondé le cabinet d’études économiques Asterès.
LA CIVILISATION DE LE PEUR DE NICOLAS BOUZOU, XO EDITIONS, 224 PAGES, 19,90 EUROS.
© XO EDITIONS
Source link : https://www.lejdd.fr/economie/nicolas-bouzou-le-programme-du-nouveau-front-populaire-une-chasse-aux-riches-146815
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Publish date : 2024-06-27 13:32:52
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