Par
Maxime T’sjoen
Publié le
27 juin 2024 à 18h53
Voir mon actu
Suivre Actu
Au téléphone ce mercredi 26 juin 2024, Marine Tondelier est pressée. Quelques minutes avant de répondre aux questions d’actu.fr, elle envoyait un courrier aux partis de la majorité présidentielle leur demandant une rencontre afin qu’ils clarifient leur position en cas de second tour, entre soutenir le Nouveau Front populaire ou le Rassemblement national.
« De leur attitude dépendra le fait que le Premier ministre sera d’extrême-droite le 8 juillet ou pas », s’alarme la secrétaire nationale des Écologistes. De fait, le Nouveau Front populaire s’est érigé depuis la dissolution de l’Assemblée nationale comme rempart du RN en portant un programme de « justice sociale et environnementale ».
Notre entretien, à quelques jours du premier tour des législatives.
« Un plan d’urgence sociale »
Actu : La mesure phare de votre programme, c’est d’augmenter le Smic à 1600 euros net. L’urgence de votre action gouvernementale, c’est de redonner du pouvoir d’achat aux Français ?
Marine Tondelier : L’urgence, c’est la justice sociale et environnementale. Augmenter le Smic à 1600 euros, c’est important, ça constitue une augmentation de 14 %. C’est une mesure essentielle pour le pouvoir achat. C’est une proposition féministe, 60 % des personnes au Smic sont des femmes. Cela entre dans une logique de relance économique. Cet argent sera remis assez rapidement dans le circuit économique et remplira les carnets de commandes des commerçants et des fabricants.
Les entreprises peuvent être frileuses.
M.T : Ça peut faire peur aux employeurs qui se demandent s’ils peuvent se le permettre. On va les accompagner. Pour que cela n’ait pas de conséquences négatives sur l’emploi, on prendra en compte leurs demandes et leurs besoins pour proposer des mesures de compensation.
Vidéos : en ce moment sur Actu
Vous accompagnez cette mesure avec un blocage des prix de l’alimentation ?
M.T : Pas que. Il y a le blocage des prix de certains produits, l’abrogation de la réforme des retraites, de la réforme de l’assurance chômage, de la remise à niveau du minimum vieillesse, de l’allocation adulte handicapé. Toute une série de mesures qui vont dans le même sens : celui d’un plan d’urgence sociale.
Pour une école « intégralement gratuite »
Vous proposez la gratuité “intégrale” de l’école, mêlant pouvoir d’achat et éducation. Jusqu’où ira cette gratuité ?
M.T : Si l’école publique est gratuite, il y a aujourd’hui beaucoup de dépenses autour de la scolarisation des enfants. À terme, notre objectif est de la rendre intégralement gratuite. Plusieurs types de dépenses sont ciblés : le chariot de fournitures scolaires ampute le budget consacré notamment aux vacances ou aux loisirs d’été. Le rendre gratuit, ça permet de faire un peu plaisir aux enfants l’été. Ils en ont le droit. Les dépenses liées au transport scolaire, au périscolaire et à la cantine sont aussi concernées.
Encore une question de pouvoir d’achat.
M.T : Plus de la moitié des familles se privent de nourriture pour des raisons financières. Un Français sur trois n’a plus que 100 euros sur son compte le 10 du mois. On ne parle pas juste des fins de mois difficiles, mais des débuts ! Pour un certain nombre d’enfants, notamment des classes populaires, avoir accès à une cantine gratuite, c’est s’assurer au moins un repas complet et de qualité par jour. C’est fondamental pour leur santé, pour leurs apprentissages, et ça allège considérablement la facture de courses des parents.
C’est possible d’allier cantine gratuite avec repas de qualité, sains et produits en France ?
M.T : Bien sûr ! Il faut aussi des mesures d’économie, contre le gaspillage alimentaire, mais également de l’éducation à l’alimentation pour consommer des aliments de meilleure qualité. L’idée n’est pas de servir de la viande à tous les repas. Mais quand il y en aura dans l’assiette, la viande sera de meilleure qualité, pas des poulets élevés en batterie.
« On met à contribution les plus riches pour aider les moins riches »
Quand commenceriez-vous ?
M.T : Cette mesure ne sera pas mise en place en un claquement de doigts. L’idée, c’est d’avoir des premiers pas très significatifs dès la rentrée scolaire de septembre. Évidemment, toutes ces dépenses supplémentaires pour les collectivités seront compensées intégralement par l’État.
Toutes ces mesures ont un coût. Vous avez présenté le financement, mais pouvez-vous vraiment garantir qu’il n’y aura pas de hausse d’impôts pour les classes populaires ?
M.T : Notre programme, comparé à ceux de Renaissance et du RN, a été chiffré avec précision par des experts et des économistes de renommée internationale (Esther Duflo, Thomas Piketty, Gabriel Zucman…) Et nous sommes très clairs sur ce point : il n’y aura pas de hausse d’impôts pour les classes populaires. Les impôts n’augmenteront que pour les 10 % les plus riches. C’est un engagement que nous prenons. Contrairement à Emmanuel Macron, le Robin des bois à l’envers, nous allons faire la justice sociale dans le bon sens. On met à contribution les plus riches pour aider les moins riches.
« Les premiers mètres cubes d’eau seront gratuits »
L’écologie est assez peu évoquée dans le débat des législatives.
M.T : À tort. L’écologie, c’est un bien commun. Nous avons conscience de l’urgence : ce sont des enjeux centraux dans le programme du Nouveau Front populaire. Il s’agit du bien-être des Français, de la qualité de l’air que nous respirons, de l’eau que nous buvons, des aliments que nous mangeons. C’est notre qualité de vie, notre santé.
Quelle mesure concrète pourrait changer la vie des électeurs ?
M.T : Nous portons une écologie émancipatrice, qui fait du bien, qui protégera les Françaises et les Français. Ce sera très concret. Exemple : les premiers mètres cubes d’eau gratuits. Quelqu’un qui a une consommation très raisonnable d’eau, sera récompensé et ne paiera plus de facture. Par contre, quelqu’un qui en utilise beaucoup paiera plus cher qu’avant. On protège le pouvoir d’achat et on incite à avoir des consommations raisonnables.
« Le programme est très clair »
Vous voulez aussi rénover massivement les logements.
M.T : On souhaite un plan pour que l’intégralité des logements de ce pays soient rénovés. Beaucoup de Français vivent dans des passoires thermiques l’hiver et dans des bouilloires thermiques l’été. Cela a des conséquences en termes de pouvoir d’achat : cela esquinte le porte-monnaie et oblige à devoir chauffer ces logements mal isolés ! Ça a des impacts en termes de santé physique et mentale. Rien ne va dans la politique du logement actuellement. Quand le gouvernement a dû faire dix milliards d’économie en urgence, il a rayé un milliard pour la rénovation thermique. Ça correspond à 150 000 logements rénovés en moins en 2024, soit toute la ville de Rennes. C’est scandaleux.
Le Nouveau Front populaire a des divergences, notamment sur le nucléaire.
M.T : Le programme est très clair : il est établi sur trois ans, jusqu’à la fin du mandat d’Emmanuel Macron en 2027. En trois ans, on ne ferme pas une centrale nucléaire et on n’ouvre pas d’EPR. Pour ces trois années, il n’y a pas de mesure concrète sur le nucléaire à proposer. La seule solution pour résoudre la crise énergétique et climatique en urgence, que l’on soit pro ou antinucléaire, c’est développer les énergies renouvelables. On propose dix milliards d’euros par an sur le sujet. La France est le bonnet d’âne en Europe sur ce sujet, c’est la honte !
« C’est le revirement national, pas le Rassemblement national »
Votre principal adversaire, ce sont le RN et la majorité présidentielle ?
M.T : Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y aura pas de Premier ministre macroniste le 8 juillet prochain. Nous sommes face à un choix : l’extrême-droite ou nous. Cela ne peut pas être l’extrême-droite, cela ne doit pas être l’extrême-droite.
Que craignez-vous avec Jordan Bardella à Matignon ?
M.T : Partout où l’extrême-droite passe, les droits des femmes trépassent. Ce sont des diviseurs, beaucoup de nos concitoyens se sentent menacés dans leur droit, dans leur vie quotidienne. Le RN fracture. Nous voulons réparer et apaiser.
Comment convaincre les électeurs ?
M.T : Ceux qui croient que la situation va changer avec le RN ont le droit de le penser. Mais c’est le revirement national, pas le Rassemblement national. Vous vous réveillez un jour pair, il veut supprimer la TVA sur les biens de première nécessité. Le jour impair, il est contre. Il explique qu’il va abroger la réforme des retraites, ou que finalement cela sera peut-être à l’automne, mais seulement après un audit financier… alors que tous les chiffres sont sur internet. Leur politique économique sera pire que les macronistes. Mais en plus, ils sont dans le déni climatique, ils sont racistes, antisémites, xénophobes, transphobes.
La majorité présidentielle « risque de ne pas être à la hauteur de l’Histoire »
La majorité présidentielle est ambiguë sur les consignes de vote au second tour en cas de second tour entre un membre du NFP et du RN.
M.T : J’ai envoyé un courrier à tous les chefs de parti de la majorité présidentielle (UDI, Renaissance, Horizons et le MoDem) pour les rencontrer en urgence. Ils hésitent beaucoup et ils tiennent des propos que je juge très dérangeants. À chaque fois que les électeurs de gauche ont dû être au rendez-vous pour faire barrage à l’extrême-droite, nous avons répondu présents. Pas avec le sourire, pas par plaisir. Je veux m’assurer que le soir du premier tour, tout le monde sera au rendez-vous pour faire obstacle au RN. La majorité présidentielle risque de ne pas être à la hauteur de l’Histoire. Elle saura leur rappeler… Et pas en bien.
Qu’attendez-vous de ces rendez-vous avec les chefs des partis de la majorité ?
M.T : Je veux qu’ils m’expliquent les yeux dans les yeux leur position. Je dois tenter de les convaincre. Une cinquantaine de circonscriptions peut basculer du côté du RN selon les consignes qu’ils donneront. De leur attitude dépendra le fait que le Premier ministre sera d’extrême-droite le 8 juillet ou pas. C’est aussi simple que cela. Il faut qu’ils retrouvent leur boussole… et vite !
Entretien réalisé ce mercredi 26 juin 2024 au téléphone. Malgré nos demandes (insistantes) pour mener de tels entretiens similaires, dans les mêmes conditions, avec Gabriel Attal (majorité présidentielle) et Jordan Bardella (Rassemblement national), ni l’un ni l’autre n’a donné à actu.fr de réponse positive.
Suivez toute l’actualité de vos villes et médias favoris en vous inscrivant à Mon Actu.
Source link : https://actu.fr/politique/elections-legislatives/marine-tondelier-nouveau-front-populaire-le-rassemblement-national-fracture-ce-sont-des-diviseurs_61260064.html
Author :
Publish date : 2024-06-27 16:53:12
Copyright for syndicated content belongs to the linked Source.