l’essentiel
Alors que le programme économique du Nouveau Front populaire est accusé par le camp macroniste de se montrer trop dispendieux, la socialiste Valérie Rabault assume la stratégie dégagée par l’union de la gauche. L’élue tarn-et-garonnaise, en course pour sa réélection, souligne toutefois des divergences avec La France insoumise.
La Dépêche du Midi : Vous avez proposé un chiffrage du programme que certains jugent dépensier. Pourquoi Le Nouveau Front populaire assume une hausse des dépenses là où d’autres ne parlent que d’économies ?
Valérie Rabault : Déjà, je suis la seule à avoir mis un chiffrage sur la table, Bruno Le Maire a refusé de débattre avec moi. J’ai voulu démontrer que si nous arrivons aux responsabilités, nous serons capables de faire les choses de manière sérieuse et de tenir les objectifs que nous nous sommes fixés. C’est pour cela que j’ai voulu établir un chiffrage avec des économistes. Ceux qui accusent notre budget d’être dépensier ne se rendent pas compte de la situation dans laquelle se trouve notre pays. Moi je fais des réunions publiques dans des petites communes. Cette semaine, j’avais 20 personnes dont une dame qui s’est mise à pleurer au sujet du burn-out à l’hôpital. Je pense qu’il faut que l’on réponde politiquement à l’épuisement de la société. Cet épuisement est généré par le manque de médecins, la pénurie de médicaments et autres faiblesses qui entraînent un ras-le-bol et qui se répercutent dans les urnes. Donc je pense que si l’on veut sauver la société française, il faut qu’il y ait une inversion de ce qui a été fait jusque-là. Le ruissellement n’a pas marché. Les dividendes qui ont été versés par les entreprises entre 2017 et 2023 ont été multipliés par deux, c’est-à-dire que certains ont capté toute la production de richesse.
Vous proposez une hausse du Smic à 1 600 euros soit 200 euros de plus qu’actuellement. Est-ce que ce sera à la charge des employeurs ?
Tous ne peuvent pas l’assumer donc pour les artisans, les TPE et PME il y a aura des compensations. En revanche les grandes entreprises peuvent très bien l’assumer.
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Ce serait quoi cette compensation ?
C’est en réflexion.
Vous voulez augmenter les fonctionnaires, ils sont nombreux, c’est donc un budget énorme. Peut-on se le permettre ?
On parle en effet de 21 milliards d’euros sur 3 ans et demi. Mais l’augmentation des fonctionnaires est indispensable. On dit qu’il y a des politiques de l’offre et des politiques de la demande. Là, il s’agit d’une politique de l’offre de l’emploi car il y a des secteurs de la Fonction publique qui n’arrivent pas à recruter. Lorsque vous gagnez 1 398 euros net par mois et que vous avez 250 euros de frais de carburant, ça n’incite pas à aller travailler.
Ces augmentations toucheraient aussi le milieu hospitalier et l’Éducation nationale ?
Oui.
Sur la réforme des retraites vous n’êtes pas d’accord avec LFI, c’est quoi l’objectif ?
Ce qui a été acté, c’est l’abrogation de la réforme des retraites et un objectif à 60 ans. Mon chiffrage intègre cette abrogation. Concernant les 60 ans, la priorité me semble pour les métiers avec de la pénibilité.
Comment les finance-t-il ? On augmente les cotisations ou on baisse les pensions ?
Nos réformes vont augmenter la masse salariale, donc augmenter le volume les cotisations pour les caisses publiques. C’est cette dynamique-là, celle de l’activité et du travail, qu’il faut prendre en compte.
Toutes ces dépenses nouvelles font être financées par un effort fiscal, lequel ?
Le premier levier passe par les recettes supplémentaires, liées à une augmentation de l’activité. Au-delà, le chiffrage inclut un ISF (impôt de solidarité sur la fortune, NDLR) revisité pour inclure une composante écologique, la taxation des super profits et la mobilisation de quelques niches fiscales. Mais je défends l’idée au sein du Nouveau Front populaire qu’il n’y ait pas d’augmentation d’impôt et de taxe sur le travail.
LFI propose pourtant une augmentation d’impôt pour les salaires de plus de 4 000 euros. Vous n’êtes donc pas d’accord ?
Non car si on fait une relance par l’offre de travail on ne peut pas taxer le travail. Il faut remobiliser les gens autour d’un projet qui permette d’avoir une dignité autour du travail.
Vous reconnaissez que cela va augmenter le déficit ?
Aujourd’hui nous sommes à un déficit public qui représente 5,5 % du PIB et nous ne l’augmenterons pas. Mais j’ai dit que la politique économique que nous mettrons en place ne réduira pas dans l’immédiat le déficit autant que l’Europe l’exige. Nous devrons donc négocier avec l’Union européenne, mais je pense que les Allemands qui ne veulent pas voir le RN arriver au pouvoir seront peut-être plus souples…
Vous avez chiffré ce programme à 106 milliards d’euros, LFI trouve que ça n’est pas assez. Ça va être un problème entre vous ?
Il y a des discussions mais j’ai beaucoup de convergences avec les communistes et les écologistes. Ma trajectoire peut être adaptée, mais elle est réaliste et crédible.
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Publish date : 2024-06-23 04:30:00
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