Par Bérénice Soucail
Publié le 21 juin 2024 à 10h16, mis à jour le 21 juin 2024 à 10h51
Boris Vallaud présente les choix économiques du Nouveau Front populaire, dont le smic à 1 600 euros, devant le Medef , à Paris le 20 juin. JULIEN DE ROSA / AFP
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Décryptage Pour doper le pouvoir d’achat, le Nouveau Front Populaire propose d’augmenter le smic à 1 600 euros net. Les effets de la mesure, sur la consommation, sur l’emploi et sur les finances publiques, restent à évaluer.
Le smic à 1 600 euros : c’est la grande mesure brocardée dans « l’urgence sociale » décrétée par le Nouveau Front Populaire, l’alliance des gauches en vue des élections législatives anticipées. C’est-à-dire une hausse de 14 % du salaire minimum, actuellement à 1 398,70 euros net pour un temps plein à 35 heures. Ce coup de pouce aux plus bas salaires se veut une réponse de pouvoir d’achat, les leaders de gauche estimant qu’il pourrait doper le revenu disponible des ménages d’environ 10 milliards d’euros par an.
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En France, actuellement, 3,1 millions de personnes sont payées au smic. C’est un million de plus qu’en 2021. Ce « salaire minimum de croissance » est, à la différence des autres salaires, ajusté en fonction de l’inflation, et après des mois de hausses des prix a logiquement « englobé » une grande partie des bas salaires. Le doper va nécessairement absorber une grande partie des salaires juste au-dessus, qui passeront de fait au smic.
Les représentants du Nouveau Front populaire vantent aussi cette mesure pour ses effets multiplicateurs sur la demande : « Les chefs d’entreprise ont tout intérêt à ce que leurs salariés soient des consommateurs qui achètent leurs produits », a plaidé le député socialiste Boris Vallaud, face aux représentants des organisations patronales, ce jeudi 20 juin.
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Pourtant, les patrons voient la mesure d’un œil mauvais. Qui dit hausse du smic, dit hausse du coût du travail, en particulier pour les entreprises qui rémunèrent faiblement. « Une telle mesure se traduirait par des vagues de licenciements et/ou de gel des embauches pour nos entreprises sans que les salariés en poste n’en tirent aucun bénéfice concret », fustige Marc Sanchez, président du Syndicat des Indépendants et des Très Petites Entreprises.
Reconnaissant que la mesure sera, pour certaines entreprises, « un moment difficile, qui peut aller jusqu’à deux ans », Boris Vallaud table sur la création d’un fonds d’aides de l’Etat pour absorber le choc, et appelle à la bonne volonté… des grandes entreprises. « Je crois que la majorité des entreprises a envie de bien payer ses salariés », dit-il.
Vers une hausse du chômage ?
Au ministère de l’Economie, on agite déjà le spectre d’un chômage de masse. « Un boulanger qui emploie trois salariés au smic devrait en licencier un pour continuer à payer les deux autres… », nous glisse une source à Bercy.
Une étude publiée par l’OFCE en 2012 considérait cependant qu’une hausse de salaire de 1 % se traduirait par une destruction nette de 2 300 emplois. Reprenant ces chiffres et les multipliant par 14, l’Institut Montaigne affirme que la hausse du smic à 1 600 euros se traduirait par la suppression de 30 000 emplois. Toutefois, l’institut libéral invite à considérer que cette estimation comme « incertaine » – le contexte économique a bien évolué depuis 2012.
Pour Clément Carbonnier, économiste à l’université Paris-8, il n’y a pas de lien entre hausse du smic et chômage, dans une perspective macroéconomique. Certes, ce relèvement peut un temps désinciter à embaucher de nouveaux salariés mais, globalement, il n’y a pas de conséquence directe. Notamment parce que les bas salaires se concentrent dans des secteurs précis : l’hébergement et la restauration, les services administratifs, les transports et les commerces. Précisément là où il est difficile d’envisager supprimer des emplois. « Ce n’est pas parce que le travail moins bien payé coûte plus cher qu’on va arrêter de l’utiliser, estime Carbonnier. Tout simplement parce que dans de nombreux cas, il n’est pas possible de le remplacer par autre chose. »
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L’économiste prend l’exemple des supermarchés, souvent brandis en cas d’école de la substitution du travail humain par la machine : l’arrivée des caisses automatiques ne s’est pas traduite par des licenciements massifs dans le secteur.
De plus, les emplois payés au smic sont surreprésentés dans les secteurs concernés par la sous-traitance, comme le nettoyage ou la sécurité. Aussi, pour Carbonnier, la hausse du smic « va rentrer dans les coûts de production de l’entreprise donneuse d’ordre, pas dans celle qui emploie les salariés. Or, celles-ci ne peuvent pas se passer de leur activité de nettoyage ou de sécurité, et, le plus souvent, peuvent assumer cette hausse de coût. »
Quel coût de la mesure ?
Autre interrogation : le coût de la mesure. Outre le fonds promis aux entreprises – qui pourrait prendre la forme d’une compensation entre entreprises qui emploient à bas salaires et les autres –, augmenter le smic se traduirait par une baisse relative des cotisations salariales. Et donc un manque à gagner pour l’Etat.
En effet, les bas salaires sont soumis à des allègements de cotisations sociales. Ces derniers sont définis en pourcentage du smic brut (40,14 % du salaire brut dégressif jusqu’à 7,8 % de 1,6 à 2,5 Smic, puis 1,8 % de 2,5 à 3,5 Smic). Si le smic passe à 1 600 euros, l’allègement de cotisation se hisserait à 811 euros (contre 709 euros aujourd’hui).
L’Institut Montaigne chiffre le manque à gagner pour l’administration publique à 3 milliards d’euros. Clément Carbonnier parle, lui, plutôt d’« une dizaine de milliards d’euros ».
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Publish date : 2024-06-21 08:16:45
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