Le Printemps Marseillais, mené par Michèle Rubirola, avait remporté les élections municipales de Marseille, en 2020. PHILIPPE MAGONI/SIPA
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Décryptage En 2020, le Printemps marseillais a remporté les élections municipales dans une ville dirigée par la droite depuis 25 ans. Une coalition de gauche dans laquelle n’était pas présent LFI, un des principaux instigateurs du Nouveau Front populaire. Alors que la gauche s’allie pour les législatives de 2024, l’exemple du Printemps marseillais peut-il être transposé à l’échelle nationale ?
« J’appelle à un Printemps marseillais pour la France. » Le soir des élections européennes du 9 juin, marquées par la victoire de l’extrême droite, Benoît Payan, maire socialiste de Marseille, invite la gauche à suivre l’exemple marseillais. Lors des élections municipales de 2020, des candidats de plusieurs partis politiques de gauche s’étaient unis sous une même bannière, celle du Printemps marseillais. Contre toute attente, ce mouvement avait remporté les élections, dans une ville qui était dirigée depuis vingt-cinq ans par la droite et son représentant Jean-Claude Gaudin, mort le 20 mai dernier.
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« C’est un mouvement qui contient 11 forces politiques, fondé par des personnes qui ont décidé de mettre leur logo et leur ego de côté, pour travailler ensemble sur un projet pour Marseille, et qui gouverne depuis quatre ans », détaille Olivia Fortin, maire des 6e et 8e arrondissements de Marseille. A l’heure où les principaux partis de gauche s’allient sous l’étiquette du Nouveau Front populaire pour les élections législatives 2024, les Phocéens vantent le Printemps marseillais comme exemple d’union de la gauche.
Une contestation du pouvoir en place
Olivia Fortin a milité depuis 2018 pour une candidature unique de la gauche en vue des élections municipales de 2020. Elle admet qu’un élément déclencheur a joué en faveur de l’union : « Les effondrements de la rue d’Aubagne ont été un véritable choc. Comme l’a été la dissolution. A Marseille, en 2018, tout le monde a dénoncé la responsabilité de la municipalité. »
Elle estime que ce « sentiment de colère immense » qu’ont ressenti les Marseillais vis-à-vis de Jean-Claude Gaudin, maire de l’époque, est comparable à celui des Français envers leur président. « Vous avez sept ans de mandat d’un chef d’Etat qui n’a pas écouté les “gilets jaunes”, les citoyens de la convention pour le climat… Ce mépris des citoyens génère, à l’échelle du pays, une colère qui s’alimente elle-même. » Une contestation nationale qui, selon l’élue du Printemps marseillais, pourrait avoir les mêmes conséquences que dans la cité phocéenne, à savoir un changement de majorité.
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Pourtant, le combat n’était pas gagné d’avance. « On nous avait promis l’explosion avant même d’exister. Comme pour le Nouveau Front populaire. Mais en fait, on est toujours là. On a mené un combat qu’on disait ingagnable », se remémore l’adjointe à la mairie de Marseille.
La gauche avait réussi à créer un engouement permettant de rallier de nombreux Marseillais à leur cause. « Un mouvement social fort, qui appelle à l’union, fait que l’union marche. Quand il y a une attente et une pression populaire très fortes, ça favorise les unions », analyse Camille Floderer, enseignante-chercheuse en sciences politiques à l’université de Montpellier.
Passer outre les difficultés
La conquête du pouvoir est une chose, son exercice en est une autre. Provenant de partis politiques différents, des désaccords s’invitent parfois dans les débats au sein du Printemps marseillais. Olivia Fortin ne s’en cache pas. « Tout le monde ne peut pas être d’accord sur tout, même au sein d’un même parti. On a eu des imprévus, mais on y fait face avec le sentiment de responsabilité qui nous lie », partage l’élue.
Parmi ces imprévus, certains ont été majeurs. Ainsi, le 15 décembre 2020, Michèle Rubirola, élue maire de Marseille par la coalition du Printemps marseillais, démissionnait pour des raisons de santé. C’est Benoît Payan, son adjoint, qui prenait sa place, lui qui souhaitait initialement être à la tête de la liste du Printemps marseillais. Des jeux de pouvoir qui ont fragilisé le mouvement, sans toutefois le rompre.
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Au niveau national, la gauche n’échappe pas non plus à la bataille des ego, notamment à l’heure d’évoquer la question d’un possible Premier ministre. Pour Olivia Fortin, un des ingrédients de la réussite du Printemps marseillais avait été de mettre les individualismes de côté, au profit des enjeux. « C’est contre-nature de mettre son ego de côté en politique. Par nature, il faut avoir de l’ambition. Mais le projet passe avant nos individualités », reconnaît-elle.
Un calendrier différent
A Marseille, comme à l’échelle du pays avec le Nouveau Front populaire, l’union de la gauche a pu se faire car les différentes forces ont fait des concessions pour aboutir à un programme commun. Toutefois, la temporalité n’est pas la même. « On a travaillé pendant plusieurs mois sur un projet commun et pour choisir qui l’incarnerait. Là, pour le Nouveau Front populaire, on est dans une échelle de temps totalement différente », analyse Olivia Fortin.
La maire des 6e et 8e arrondissements de Marseille admet que le temps nécessaire pour se mettre d’accord, avant les élections locales, a permis d’éviter des désaccords au sein de l’équipe municipale une fois en poste. Pour les élections législatives anticipées, les partis du Nouveau Front populaire n’ont eu que quelques jours pour définir un programme commun, tout en se répartissant les 577 circonscriptions.
Un grand absent
Le Printemps marseillais a rassemblé des candidats issus de nombreux mouvements politiques de gauche. Pourtant, en 2020, les partis de gauche ne voyaient pas d’un bon œil cette union en vue des municipales. « Au départ, c’est un rassemblement de personnes, et non de partis. C’est une différence avec ce qu’il se passe à l’échelle nationale », rappelle Olivia Fortin. « Michèle Rubirola avait été suspendue des Verts [EELV], le PS ne voyait pas d’un bon œil le choix de Benoît Payan… Il n’y avait aucune évidence au départ. »
« Le Printemps marseillais est issu d’un rapport de force local, qui n’est pas le même au niveau national. C’est une union dans laquelle il n’y a pas LFI, qui s’était peu investi dans ces municipales », analyse la maître de conférences en sciences politiques, Camille Floderer. Si la liste du Printemps marseillais comportait des anciens candidats de La France insoumise, ces derniers ont dû se mettre en retrait de LFI pour rejoindre la coalition. C’est le cas de Sophie Camard, députée suppléante de Jean-Luc Mélenchon.
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Pour Camille Floderer, il est difficile de comparer le Printemps marseillais, qui s’est constitué sans La France insoumise, et le Nouveau Front populaire, dans lequel ce parti dispose d’une influence certaine. Pour autant, elle n’exclut pas le succès d’une gauche unie : « L’union se construit chemin faisant. Si la gauche plurielle a fonctionné, je ne vois pas comment on pourrait d’ores et déjà dire que ça ne va pas fonctionner », conclut-elle.
Sur le sujet Elections législatives de 2024
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Publish date : 2024-06-19 12:00:09
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