...
ADVERTISEMENT

Pas de Front populaire sans conquêtes démocratiques

Membres d’Espoir RIC et professeurs à l’université, Clara Egger et Raul Magni-Berton, estiment que le Nouveau Front populaire, issu des forces de gauche, a le devoir de défendre le référendum d’initiative citoyenne (RIC).

Le Front populaire qui se dessine suscite attentes et espoirs. Chacun se souvient de l’accord de 1936 et de la mesure du programme de cette union de la gauche : le vote des femmes. À l’époque, les femmes ne pouvaient pas ouvrir de compte en banque, ni travailler sans l’autorisation de leur mari.

Elles ne bénéficient pas des accords signés par les syndicats alors qu’elles participent largement aux mouvements de grève. Pas de divorce, pas d’avortement. Les femmes étaient dépendantes et, de fait, pauvres. Le gouvernement de Léon Blum aurait pu prioriser une égalité économique. Mais il a vu plus loin : en donnant la priorité au droit de vote, il a compris ce qui est arrivé dans tous les pays qui ont franchi ce pas. Malheureusement, si la Chambre des députés approuve cette mesure, le Sénat s’y montre hostile. Le Front populaire obtient en quelque sort gain de cause à titre posthume, en 1944. Une fois le vote élargi aux femmes, les partis politiques se sont lancés dans la conquête de ce réservoir de voix.

À LIRE AUSSI : Que faire de Jean-Luc Mélenchon ? L’éléphant au milieu de la pièce pour le Nouveau front populaire

Dès lors, grâce à ce droit politique, les femmes ont obtenu leur dignité, n’ont cessé d’améliorer leur autonomie et leur condition économique. La recette est simple : si on veut améliorer le sort des personnes en difficulté, il faut leur donner du pouvoir, pas de l’argent. Ou comme disait Confucius, il faut leur apprendre à pêcher, pas leur donner des poissons.

Distribuer le pouvoir

C’est là-dessus que le Nouveau Front Populaire semble faillir. « Abrogation des retraites, de la réforme de l’assurance chômage, et de la loi immigration » dit Glucksmann. « Indexation des salaires sur l’inflation, taxe sur les dividendes » clame Ruffin.

Dans tout cela, il manque l’éléphant dans la pièce. Les promesses d’argent ne manquent pas, mais la distribution du pouvoir est absente. Il y a des poissons, pas de cannes à pêche. Le programme penche dangereusement vers une orientation purement économique et sociale. Dès lors, il reste l’amertume, pour beaucoup d’électeurs impuissants, de rester ballottés entre des avantages suspendus aux aléas des résultats électoraux, où les uns abrogent ce qu’ont fait les autres.

À LIRE AUSSI : « L’antifascisme ne suffira pas au Front populaire pour l’emporter »

Pourtant, Ruffin a timidement prononcé le mot « RIC » comme « une évidence ». Une formule lancée par les Gilets jaunes
que beaucoup d’élus évoquent sans connaître, ou qu’ils traitent comme une mesure parmi d’autres. Le RIC, et plus particulièrement ce qu’on appelle le RIC constituant, est le vote des femmes d’aujourd’hui. Il consiste à élargir le droit de faire les lois les plus importantes – les lois constitutionnelles – à tous les citoyens. Deux principes régissent son fonctionnement. Tout d’abord, pas de modification constitutionnelle sans vote. Deuxièmement, tout citoyen peut soumettre à référendum une modification constitutionnelle s’il est soutenu par suffisamment de concitoyens. Dès lors, ce que les électeurs inscrivent dans la Constitution, ne changera plus au gré des majorités.

Concentration des pouvoirs

C’est ainsi que les Uruguayens ont sacralisé l’interdiction de privatiser l’eau dans un continent où elle est privée presque partout. C’est aussi de cette façon que, récemment, les Suisses ont inscrit le treizième mois pour les retraités ou sacralisé leur transition énergétique. Le jour où la gauche perd, ces mesures restent, parce qu’on ne pourra plus les changer sans vote populaire.

Avec ce contrôle populaire sur la Constitution, on ne connaît pas de tournant autoritaire par les urnes, alors que ce danger guette de plus en plus la France, où le pouvoir se concentre. Plus que jamais, notre démocratie parlementaire est fragile : le poids du Parlement n’a cessé de se réduire au profit de l’exécutif ces dernières années sous l’effet des états d’urgence successifs et d’une surutilisation de procédure exceptionnelle comme le 49.3. La France détient, par exemple, le record du nombre de jours sous état d’urgence pendant la pandémie de Covid-19. La possibilité pour Emmanuel Macron de convoquer de nouvelles élections sous trois semaines sans consulter partis et groupes d’opposition est un des nombreux symptômes de cette prépondérance de l’exécutif.

À LIRE AUSSI : Le référendum d’initiative citoyenne, tube de l’hiver chez les gilets jaunes (et pas que)

Il n’y a qu’une recette efficace pour lutter contre cette concentration des pouvoirs : les redistribuer à l’ensemble des citoyens. C’est aussi ce qui permet aux partis d’opposition de gagner des batailles, lorsqu’ils bénéficient de l’appui populaire, et aux partis au pouvoir d’en perdre. Mais c’est surtout un moyen de donner du pouvoir à ceux qui n’en ont pas, et c’est quand ils auront ce pouvoir que leurs conditions s’amélioreront véritablement.

De nouveaux droits politiques

En 2022, un sondage IFOP avait posé la question suivante : « Seriez-vous favorable ou opposé à ce que 700 000 citoyens puissent soumettre à référendum une révision d’un article de la Constitution ? ». 73 % des Français y étaient favorables. Ce score monte particulièrement chez les groupes qui ont le moins accès au pouvoir et aux ressources. 75 % des femmes et des jeunes, 76 % des chômeurs, 79 % des classes populaires, et 81 % chez ceux qui vivent dans des zones rurales. Sans oublier, 80 % des électeurs de gauche.

À LIRE AUSSI : Les Français largement favorables au référendum d’initiative citoyenne (RIC), selon un sondage Ifop

Alors, il faut, comme le souligne François Ruffin, arrêter de déconner et placer la conquête de nouveaux droits politiques au cœur du Nouveau Front populaire. Inventée par Condorcet, revendiquée par les babouvistes lors de la Révolution française, les fouriéristes lors de la révolution de 1848, les anarchistes lors de la commune de Paris, c’est un héritage historique de la gauche française oubliée par le marxisme, et retrouvée par les Gilets jaunes.

La démocratie directe, autrement dit, le contrôle direct de chaque citoyen sur sa Constitution, permettra aux masses de citoyens sans voix d’en avoir une, et d’améliorer leur condition sans devoir supplier ceux et celles qui décident, sans eux, de leur avenir. Le référendum d’initiative citoyenne constituant. C’est cela que nous attendons d’une alliance de gauche.

Source link : https://www.marianne.net/agora/tribunes-libres/pas-de-front-populaire-sans-conquetes-democratiques

Author :

Publish date : 2024-06-15 14:27:06

Copyright for syndicated content belongs to the linked Source.

ADVERTISEMENT

Front populaire Casquette snapback

Front populaire T-shirt classique col V Homme

Recent News

........