Les membres du « Nouveau Front populaire » à la Maison de la Chimie, à Paris, le 14 juin 2024.
Mais avant cela, il est bon de rappeler que l’énergie, c’est la vie ; c’est ce qui nous permet de tout faire dans notre vie, que ce soit dans notre vie privée ou en tant que citoyens. L’Union européenne a été créée pour garantir la paix et la réconciliation, et la clé pour atteindre cet objectif a été la disponibilité d’une énergie abondante et bon marché. Aujourd’hui, quelle que soit la majorité au pouvoir dans un État membre, si cette réalité irréfutable n’est pas respectée, il faut s’attendre à des tensions telles que celles qui ont conduit à la montée du nazisme en raison des pénalités sur la consommation d’énergie prévues par le traité de Versailles.
La première mention du mot « énergie » apparait dans une expression vague qui ne permet pas de prévoir l’objectif : « faire voter une loi énergie-climat ». Étant donné que les écologistes font partie de cette alliance, on peut imaginer que c’est l’ensemble de la politique verte qu’ils veulent imposer, mais cela promet de belles querelles, car évidemment, tout le monde dans ce front n’est pas près de faire exploser les prix de l’énergie pour les citoyens, car ce sera inévitablement la conséquence, comme on peut le voir avec le désastre de l’EnergieWende allemande.
Bien sûr, les énergies renouvelables sont mises à l’honneur, puisque le texte précise « Renforcer la structuration des filières françaises et européennes de production d’énergies renouvelables (de la fabrication à la production) ». Cela ne change pas grand-chose par rapport aux autres partis, car en France personne n’ose dire que les énergies renouvelables ne sont pas la solution annoncée depuis les chocs pétroliers des années 1970. Le dogme des énergies renouvelables est bien dans l’ADN des partis de l’extrême gauche à l’extrême droite. Ce n’est manifestement pas le cas dans d’autres États membres, où les langues se délient de plus en plus et où le rêve des énergies vertes se heurte à la dure réalité des coûts. Contrairement au mantra savamment entretenu par les écologistes, si le coût de production de l’électricité renouvelable sur le lieu de production est faible, en raison de l’intermittence et de la variabilité qui nécessitent d’autres équipements contrôlables et une gestion complexe du réseau, ainsi que des garanties de prix pour les promoteurs, le résultat irréfutable, comme je le montre dans mon dernier livre, est que plus on produit d’énergie verte, plus le prix de l’électricité est élevé. C’est la raison pour laquelle, malgré la croyance en des prix bon marché, l’Union européenne a maintenu l’obligation de produire ces énergies depuis 2009. Soit elles ne sont pas bon marché, soit la directive, qui a été renouvelée en 2023, est caduque.
Je vois mal en quoi le Nouveau Front Populaire se distinguera des autres partis dans cette promotion des énergies renouvelables, compte tenu de la croyance erronée qui s’est installée en France. N’oublions pas qu’en termes d’énergie primaire, les énergies vertes ne représentent que 3 % de la consommation énergétique mondiale ou européenne, démontrant ainsi l’illusion de la politique du tout renouvelable. Même à long terme, c’est impossible, car pour construire des éoliennes ou des panneaux solaires photovoltaïques, il faut utiliser des matériaux qui ne peuvent être produits que par des combustibles fossiles.
Plus précisément, le programme se concentre sur les éoliennes en mer et les hydroliennes. Pour avoir travaillé dans ce domaine, j’affirme qu’il s’agit d’impasses qui ont fait l’objet de nombreuses recherches et de généreux soutiens financiers. Dans ce domaine, le Nouveau Front Populaire ne se distingue pas des macronistes, puisque le président est un ardent promoteur des éoliennes et que Bruno Le Maire ambitionne de produire 45 GW d’éolien en mer, à tel point que la Commission européenne a autorisé la France à offrir 2,08 milliards d’euros de soutien. Il est donc clair que le Nouveau Front Populaire n’est pas fondamentalement différent du parti présidentiel.
Je passe sur les mesures concernant les prix de l’énergie, car ce n’est pas de la politique énergétique, c’est de la politique sociale.
Ensuite le mot énergie apparait dans la rubrique « Réindustrialiser l’Europe : numérique, industrie du médicament, énergie, etc. ». C’est donc une déclaration vague qui ne dit rien de concret.
Le programme prévoit de réglementer les banques et la finance pour faire face aux risques climatiques en leur interdisant de financer des projets liés aux énergies fossiles. Je dirais que c’est un coup d’épée dans l’eau, puisque la plupart des banques françaises le font déjà. Cela n’empêche en rien le développement de projets mondiaux sur tous les continents et dans de très nombreux pays hors de l’UE. Rappelons que la COP 28 a reconnu que pour assurer la sécurité de l’approvisionnement énergétique, les États sont libres de choisir l’énergie la plus appropriée pour répondre à ce besoin fondamental. Dans mon enseignement de la géopolitique de l’énergie, j’observe que les projets de production de pétrole, de gaz et de charbon poussent partout comme des champignons. Ils sont tous financés par des emprunts bancaires auprès de banques non françaises. À ce jeu, les perdants sont les actionnaires des institutions financières françaises, et cela n’empêche en rien la production et la consommation d’énergies qui ne cessent d’augmenter les émissions mondiales de CO₂. Rappelons que depuis l’adoption de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (Rio 1992), les émissions mondiales de CO₂ ont augmenté de 62 %. Obliger les banques ne change absolument rien.
Et qu’en est-il de l’énergie nucléaire ? Il n’en est tout simplement pas question. Comment voulez-vous que le nucléaire fasse partie d’un programme soutenu par les écologistes ? Pourtant, pendant la campagne, les communistes et les socialistes ont clairement indiqué qu’ils étaient favorables à l’énergie atomique. Cette omission est emblématique de ce qui attend cette formation hétéroclite, appelée à se désintégrer après le 8 juillet. Beaucoup de Français — dont Emmanuel Macron après s’y être opposé pendant six longues années au point de fermer la centrale de Fessenheim — savent que l’avenir de l’électricité, que ce soit en France, dans l’UE ou dans le monde, passe par le développement dynamique de cette énergie primaire qui produit l’électricité la moins chère du monde et — pour ceux qui croient à l’origine anthropique du changement climatique en cours — qui ne produit pas de CO₂.
L’Allemagne, qui a réussi pendant des années à bloquer l’énergie nucléaire dans l’UE, et notamment et très curieusement en France, qui avait la suprématie dans ce domaine, a trouvé un allié de poids dans le nouveau Front populaire. Heureusement, les élections européennes ont eu lieu et plus rien ne pourra arrêter le développement de cette énergie, et certainement pas le Nouveau Front Populaire.
Si le programme énergétique de ce groupement était appliqué, le prix de l’énergie en France augmenterait, et pour que les finances publiques en supportent le coût, les aides publiques creuseraient encore plus le déficit de l’État et pénaliseraient davantage l’économie française.
Georges-Louis Bouchez, président du parti francophone belge libéral, qui vient de remporter les élections législatives et européennes, a déclaré : « On va gérer le pays comme des ingénieurs, pas comme des poètes ». D’évidence, les décideurs du Nouveau Front Populaire sont des poètes.
Samuel Furfari a publié « Énergie, mensonges d’état. La destruction organisée de la compétitivité de l’UE » aux éditions de L’artilleur.
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Publish date : 2024-06-18 09:37:51
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