l’essentiel
Le Nouveau Front populaire a présenté hier un programme de gouvernement en rupture avec la politique d’Emmanuel Macron. Jordan Bardella fait désormais de l’alliance de la gauche son « principal adversaire. »
En 1936, le Front populaire s’était structuré autour du slogan électoral « Pain, Paix, Liberté ». En 2024, le Nouveau Front populaire n’a pas encore de slogan mais a voulu se situer dans la même lignée au moment de présenter son programme, hier à midi à Paris, à la Maison de la Chimie, après quatre jours et quatre nuits de négociations dont personne n’aurait imaginé il y a une semaine le résultat. « Nous n’avons pas eu peur… mais nous avons eu chaud » écrivait hier Christiane Taubira, résumant à la fois la rapidité pour accoucher d’un accord – en 1997, la gauche plurielle avait mis 35 jours – et les difficultés qu’il fallait surmonter pour rapprocher des lignes divergentes, après les passes d’armes des européennes.
« Rupture totale avec la politique d’Emmanuel Macron »
Mais hier lorsque les chefs de partis de gauche sont montés à tribune, les mines étaient aussi fatiguées des heures de discussions qu’heureuses de « faire l’histoire » en présentant un programme commun. Un « contrat de législature » pour les 100 premiers jours en cas de victoire, riche de quelque 150 mesures dont 20 « actes de rupture » pour rompre avec « la brutalisation et la maltraitance des années Macron » et « pour que la vie change dès l’été 2024 ».
Le programme commun propose « une rupture totale avec la politique d’Emmanuel Macron », a assuré le coordinateur de LFI Manuel Bompard, tandis que la représentante de Place publique Aurore Lalucq a reconnu « des pas incroyables » effectués entre les partis sur la question de l’antisémitisme, l’un des points les plus conflictuels à gauche depuis le début du conflit au Proche-Orient. Le Front populaire condamne clairement « les massacres terroristes du Hamas » le 7 octobre en Israël et reconnaît une « explosion inquiétante sans précédent » des « actes racistes, antisémites et islamophobes ». « La lutte contre le racisme » et « l’antisémitisme », sera « au cœur » du projet, a promis le patron du PCF Fabien Roussel.
« Nous sommes en train de vous faire la démonstration que quand l’essentiel est en jeu, nous sommes là », s’est félicité le patron du Parti socialiste Olivier Faure, qui a largement fait valider l’accord par son Conseil national dans la matinée, avec seulement huit oppositions.
La question du financement des mesures
Le texte cosigné prévoit l’abrogation de trois réformes symboliques : celle des retraites, de l’assurance chômage et la loi immigration. Après les 15 premiers jours de rupture, le Front populaire prévoit une période baptisée « L’été des bifurcations » avec une session parlementaire extraordinaire de l’Assemblée nationale, puis une seconde à la rentrée après les JO de Paris. Le Front populaire entend rétablir un vrai parlementarisme avec cinq paquets législatifs et une grande loi pour « rattraper et améliorer la situation sociale des Français paupérisés par 7 ans de macronisme et 3 ans d’inflation ».
Le Nouveau Front populaire propose un programme de rupture
MAXPPP – Julien Mattia / Le Pictorium
Deux grandes lois suivront pour « entamer la reconstruction des deux services publics les plus cruciaux : santé et éducation. » Puis une loi énergie climat et un premier projet de loi de finances rectificative avec l’ « abolition des privilèges des milliardaires » par une loi le 4 août, jour anniversaire de l’abolition des privilèges en 1789. Après les 100 jours, le Front populaire prévoit des mois de « transformations ».
Ce programme fait toutefois l’impasse sur certains points qui ont été crispants ces derniers mois : le nucléaire, l’OTAN ou la maîtrise de l’immigration ne sont pas abordés. Tout comme l’épineuse question de l’incarnation à Matignon, qui n’est pour le moment pas tranchée.
Enfin, le financement de toutes ces mesures reste à préciser. Un communiqué de Bercy épingle un coût global de 286,8 milliards d’euros ; Manuel Bompard promet « des éléments de chiffrage dans les prochains jours ».
« Ce sera soit l’extrême droite, soit nous »
Mais hier, au moment de la photo officielle, les chefs de partis de la gauche se félicitaient d’avoir réussi l’impossible en un temps record, convaincus qu’ils étaient désormais porteurs d’une dynamique qui ne demande qu’à s’élargir aux syndicats, associations et à la société civile pour battre le Rassemblement national. « Ce sera soit l’extrême droite, soit nous », a lancé Marine Tondelier, patronne des Écologistes, résumant la conviction du Front populaire d’avoir brisé le projet d’Emmanuel Macron de se retrouver seul face au RN.
De fait, alors que les macronistes ne cessent de fustiger une nouvelle Nupes qui serait inféodée à LFI, le Rassemblement national a pris acte de l’union de la gauche et de son poids. Jordan Bardella a ainsi estimé hier que le Nouveau Front populaire était son « principal adversaire », considérant que seules ces deux formations étaient en mesure de remporter ces élections législatives et de composer un gouvernement.
Hier un sondage Cluster17 illustrait ce coude-à-coude en donnant le RN à 29,5 % d’intentions de vote et 28,5 % pour le Front populaire.
Les principales mesures
> Bloquer les prix des biens de première nécessité (alimentation, énergie, carburants)
> Abroger la réforme des retraites et de l’assurance chômage
> Indexer les salaires sur l’inflation
> Fixer le SMIC et la retraite minimum à 1 600 euros net
> Relever le minimum vieillesse au niveau du seuil de pauvreté (60 % du SMIC)
> Rétablir l’impôt sur la fortune, « renforcé avec un volet climatique »
> Rompre avec le soutien du gouvernement français à Benjamin Netanyahu
> Agir pour la libération des otages du Hamas, et pour la libération des prisonniers politiques palestiniens
> Soutenir la Cour Pénale Internationale (CPI)
> Reconnaissance immédiate de l’État de Palestine
> Défendre la souveraineté du peuple ukrainien et de son territoire par la livraison des armes nécessaires
> Saisie des avoirs des oligarques dans les banques
> Envoi de casques bleus notamment pour sécuriser les centrales nucléaires
> Adoption d’un plan climat visant la neutralité carbone en 2050, et du principe de la règle verte
> Adopter une loi « énergie-climat »
> Décréter un moratoire sur les projets d’infrastructures autoroutières (A69…), et les méga-bassines
> Adopter au niveau national un plan de partage de l’eau
> Passer à une VIe République
> Abroger l’article 49-3
> Élection de l’Assemblée et du Sénat au scrutin proportionnel
> Instaurer le référendum d’initiative citoyenne (RIC)
> Construire 1 million de logements « écologiques » sur 5 ans
> Encadrer le montant des loyers dans zones tendues
> Maintenir la loi SRU (20 ou 25 % minimum de logements sociaux par commune)
> Généraliser la taxation des superprofits au niveau européen
> Mettre fin aux traités de libre-échange (CETA, Mercosur…)
> Réformer la politique agricole commune (PAC)
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Publish date : 2024-06-15 04:31:00
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