Ils ont osé ! Oui, bafouant leurs principes, reniant leurs valeurs morales et trahissant jusqu’à leurs propres électeurs – les partisans de la social-démocratie, dont je suis –, les caciques du Parti socialiste (PS) se sont donc alliés, dans le « Nouveau Front populaire » – qui n’est jamais qu’une indigeste resucée de la NUPES –, avec ce ramassis, à quelques honorables exceptions près, d’antisémites, d’islamo-gauchistes, de pro-Hamas et d’anti-Israël, que forme la nébuleuse de La France insoumise (LFI) ! C’est dire si le principal fondateur, dans les années 1935-1936, de l’historique Front populaire précisément, Léon Blum en personne, qui était lui-même juif et qui venait directement de la social-démocratie justement, doit se retourner dans sa tombe !
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Le nouveau mais abusif « Front populaire » : l’accord de la honte du Parti socialiste
Davantage : cette indignation qui est aujourd’hui clairement la mienne, bon nombre d’authentiques sociaux-démocrates, profondément attachés à la véritable et glorieuse histoire du socialisme à la française, tels des politiques du calibre de Manuel Valls, Bernard Kouchner, Jérôme Guedj ou Bernard Cazeneuve, et des intellectuels de la trempe de Bernard-Henri Lévy, Raphaël Enthoven, Pascal Bruckner ou Alain Finkielkraut, la partagent, se sentant donc, eux aussi – certains d’entre eux figurent par ailleurs parmi mes meilleurs amis –, trahis en leurs idéaux les plus élevés et, partant, non négociables sur le plan philosophique tout autant qu’éthique. Et surtout pas pour des motifs de basse cuisine électoraliste, de vulgaires calculs politiques ou de médiocres ambitions personnelles.
Mieux : de la même manière suis-je absolument certain, sans risque de me tromper en cette lamentable affaire, ni rien préjuger en l’occurrence, que ces grandes consciences juives et françaises, exemplaires tout au long de leur parcours existentiel ou professionnel, que furent également Pierre Mendès France ou Robert Badinter, pour ne mentionner ici aussi que ces prestigieux défunts au sein de cette même social-démocratie, seraient, en leur noblesse morale et humaine, en leur simple mais nécessaire hauteur de vue, du même avis si elles étaient encore de ce monde.
Et que dire encore, pour en revenir à nos jeunes et bien vivants contemporains, du brave, courageux et talentueux Raphaël Glucksmann, fils de feu mon ancien ami André Glucksmann, qui, lors de son excellente campagne électorale aux récentes européennes, s’est fait souvent copieusement injurier, et parfois de manière aussi injuste qu’éhontée, par cette même LFI, qui, depuis toujours hostile à la création de l’État d’Israël, n’a jamais condamné publiquement, à l’instar des plus virulents des antisionistes et autres abjects antisémites, l’abominable pogrom de nature génocidaire perpétré, le 7 octobre dernier, par les terroristes du Hamas à l’encontre des juifs !
Une erreur politique doublée d’une faute morale
Pis : dans la même et obscure mouvance de ce prétendu « Nouveau Front populaire », dont on ne dira jamais assez l’imposture morale, politique et idéologique qu’il représente au regard de l’ancien et authentique Front populaire, évolue même à présent un parti encore plus ouvertement antisioniste, sinon carrément antisémite lui aussi, que le NPA (Nouveau Parti anticapitaliste), qui, quant à lui, le jour même de ce sanguinaire massacre du 7 octobre dernier, n’a pas hésité, toute honte bue, à qualifier ces criminels du Hamas de « mouvement de résistance palestinienne » !
D’où, urgente, cette question, brûlante d’actualité en ces heures cruciales pour le destin démocratique de la France, berceau des Lumières et patrie de la Déclaration des droits de l’homme : comment un ancien président de la République tel que François Hollande, qui fut aussi secrétaire général du Parti socialiste précisément, peut-il à ce point cautionner, lui apportant même publiquement son indéfectible soutien lors de ses dernières déclarations télévisées, ce pseudo et nouveau « Front populaire » ? C’est en effet là – on en conviendra aisément au vu de ces seuls arguments – une grave erreur politique aussi bien qu’une indécente faute morale !
Je le dis, cela, avec d’autant plus de tristesse, à défaut d’amertume, que je nourrissais une certaine sympathie et un réel respect pour François Hollande, qui fut trop souvent et injustement vilipendé, raillé ou même méprisé tant il fut parfois incompris plus encore que maladroit, lors de son mandat présidentiel.
L’indécent prix à payer
Certes, sais-je la réponse, à défaut de réelle, pertinente et rationnelle explication, que François Hollande, comme l’actuel secrétaire général du Parti socialiste, Olivier Faure, nous donnera, très honnêtement et de bonne foi, pour justifier ce que bon nombre de véritables sociaux-démocrates appellent donc pourtant à juste titre, dans cet impromptu ralliement, aux côtés de cet indigne LFI et autre non moins infâme NPA, au sein de ce « Nouveau Front populaire », une trahison plus encore qu’une forfaiture.
Ainsi, argueront-ils que cette « union de la gauche », jadis souhaitée par François Mitterrand lui-même (l’ancienne « gauche plurielle » plus récemment), est le prix à payer, l’indispensable et nécessaire compromis historique, pour battre en fin de compte, lors des élections législatives de ces 30 juin et 7 juillet 2024, l’extrême droite et, en particulier, le Rassemblement national (RN), effectivement aux portes du pouvoir – avec un Jordan Bardella comme probable et prochain Premier ministre et, en embuscade, une Marine Le Pen comme future présidente de la République. Dont acte !
Une inversion des valeurs au sein du clivage gauche/droite
Sauf que – et c’est là que leur argumentation s’avère faible tant sur le plan politique qu’idéologique, sinon conceptuel – bon nombre des crédos les plus pestilentiels, dont l’antisémitisme précisément, de l’extrême droite traditionnelle ou, pour mieux dire, de l’ancien temps, mais qui n’ont cependant plus rien à voir avec l’actuel Rassemblement national – qui, on le sait, a rompu de manière drastique, après avoir fait amende honorable, avec l’ancien Front national de Jean-Marie Le Pen –, se retrouvent aujourd’hui paradoxalement, avec des partis comme les nauséabonds LFI ou le NPA, à l’extrême gauche !
Car, de fait, c’est bien là, en ce clivage idéologique (gauche/droite), à une véritable et profonde inversion des valeurs – ce que le grand Nietzsche appellerait, dans sa critique philosophique et morale, la « transmutation des valeurs » – que nous sommes en train d’assister, historiquement, au sein de ces mêmes partis politiques (RN avec les LR d’Éric Ciotti d’un côté, et LFI avec le NPA à l’autre bout de l’échiquier idéologique).
La nouvelle « Trahison des clercs »
Conclusion ? C’est à une nouvelle Trahison des clercs, pour paraphraser ici le fameux intitulé d’un livre, paru en 1927 déjà, mais resté non moins célèbre dans les annales de l’édition française, de l’admirable Julien Benda, que donne donc malheureusement à voir ici, avec son inepte et coupable insertion au sein de ce frauduleux « Nouveau Front populaire » (NFP) encore et toujours, les actuels responsables – « irresponsables », devrais-je plutôt dire, au vu d’aussi patentes contradictions, voire reniements, face à leurs propres idéaux de départ, en ces pénibles circonstances – du PS !
Voici, du reste, ce qu’écrivait déjà alors, textuellement, Julien Benda en sa mémorable Trahison des clercs, qu’il publia donc dans le sillage, fût-ce trois décennies après, de la tristement célèbre affaire Dreyfus (qu’un certain et trop méconnu Bernard Lazare, juif lui aussi, défendit ardemment, bien avant encore Émile Zola avec son historique « J’accuse… ! ») : « Les hommes dont la fonction est de défendre les valeurs éternelles et désintéressées, comme la justice et la raison, et que j’appelle les clercs, ont trahi cette fonction au profit d’intérêts pratiques. » Admirable, mais, surtout, à méditer, de toute urgence, en ces fatidiques temps de dangereuses dérives et autres compromissions politico-idéologiques !
La progressive disparition de la social-démocratie face à un « Front populaire » dévoyé
C’est dire si ainsi, à l’aune de ces précieux enseignements, l’actuel PS, s’il ne renoue pas bien vite avec ses principes universels comme avec ses valeurs morales, et s’il ne se refonde donc pas immédiatement sur le socle de son historique social-démocratie, sera voué, lui aussi, par manque de lucidité idéologique et de courage politique, mais également par lâcheté personnelle tout autant que médiocrité intellectuelle, à disparaître, pour le malheur, tant cette faute se révélera fatale et les dégâts énormes, de la vraie social-démocratie, précisément, tolérante, ouverte et non sectaire, fraternelle et républicaine. En un mot : humaniste !
Morale de la fable : ne laissons donc pas dévoyer ou dénaturer ainsi, de manière aussi éhontée, scandaleuse sur le plan politico-idéologique et malhonnête au niveau philosophico-éthique, la grande et belle histoire du Front populaire tel que l’admirable Léon Blum, fervent artisan de la social-démocratie en effet, le conçut, intentionnellement, à l’origine.
Que cette glorieuse et lumineuse page du passé de la France, en sa plus haute et noble expression, ne devienne donc pas ainsi, si l’on n’y prête garde avec le sérieux qui sied en d’aussi tragiques circonstances, le sinistre et sombre alibi, à l’avenir, de sa progressive, dramatique, extinction…
À l’alarme, citoyens !
*Philosophe et écrivain, auteur d’une quarantaine de livres, directeur des ouvrages collectifs « Penser Salman Rushdie », « Repenser le rôle de l’intellectuel » (parus aux Éditions de l’Aube, en collaboration avec la Fondation Jean-Jaurès) et « L’Humain au centre du monde – Pour un humanisme des temps présents et à venir. Contre les nouveaux obscurantismes » (Éditions du Cerf). Dernier livre publié : « Rockisme contre Wokisme » (Éditions Erick Bonnier).
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Publish date : 2024-06-16 10:00:00
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