Au lendemain de sa courte victoire aux élections législatives anticipées le 7 juillet, le Nouveau Front populaire (NFP) s’est dit prêt à gouverner et à appliquer son programme à la lettre, ignorant un obstacle majeur : il n’a pas la majorité absolue, fixée à 289 sièges. Avec 182 députés dont des élus de La France insoumise (LFI) qui irritent bon nombre de leurs adversaires, un gouvernement de gauche ferait très vite l’objet d’une motion de censure.
Dix jours plus tard, le NFP est au bord de l’implosion. Il n’est toujours pas parvenu à se mettre d’accord sur le nom d’un prétendant commun au poste de Premier ministre. Ce mardi, LFI a rejeté la proposition des socialistes, des écologistes et des communistes qui avaient suggéré Laurence Tubiana, économiste et directrice de la Fondation européenne pour le climat. « Je tombe de ma chaise », a lâché le coordinateur de LFI Manuel Bompard sur France 2. « On nous propose une personne qui a signé une tribune il y a quatre jours appelant à une coalition avec les macronistes. »
« Au nom de quoi la parole d’un seul s’impose à tous les autres ? » a aussitôt répliqué, au micro de France Inter, le patron des socialistes Olivier Faure qui avait, deux jours auparavant, écarté l’hypothèse de la députée LFI Huguette Bello.
Sur les réseaux sociaux, Jean-Luc Mélenchon et ses fidèles se sont alors lâchés en houspillant leurs partenaires, socialistes surtout. Sophia Chikirou, députée et protégée du leader insoumis, a visiblement cru voir un retour du « hollandisme » dans la proposition socialiste. « Le hollandisme, c’est comme les punaises de lit : tu as employé les grands moyens pour t’en débarrasser, tu y as cru quelque temps et tu as repris une vie saine (à gauche) mais en quelques semaines, ça gratte à nouveau et ça sort de partout », a-t-elle écrit dans une publication abjecte sur X.
LFI veut-il le pouvoir ?
« Les Insoumis ont compris qu’ils ne pourraient pas imposer leur candidat et ayant acté cela, les lieutenants de Jean-Luc Mélenchon ont été tellement violents dans leurs propos que leur message est clair : ils souhaitent la rupture », analyse le politologue Gérard Grunberg, directeur de recherche émérite au CNRS et directeur du site Telos. « Cela s’était déjà passé comme ça avec la Nupes. Ils ont recollé les morceaux pour les législatives mais il n’y avait pas de raison que cela s’améliore. Les socialistes savaient que s’ils laissaient le leadership à LFI, compte tenu du rejet d’une bonne partie de la population vis-à-vis de LFI et de Mélenchon, ils auraient partagé l’opprobre. Les autres partis aussi l’ont compris. »
En remportant les élections législatives anticipées, ce à quoi les socialistes, les écologistes et les communistes ne s’attendaient pas, ils se sont retrouvés coincés. « C’est un piège qu’ils se sont tendu à eux-mêmes, souligne Gérard Grunberg. Pourquoi Olivier Faure s’est-il lancé dans le NFP ? C’était pour gagner sa circonscription, c’est tout, et d’autres. Cette victoire, ça leur est tombé sur la tête, et la question du Premier ministre a montré que c’était une fausse alliance. C’était un mariage de raison, déraisonnable je dirais, parce que les socialistes notamment savent bien qui est Jean-Luc Mélenchon. »
Pour Gérard Grunberg, LFI et son leader ne veulent d’ailleurs pas accéder au pouvoir aujourd’hui. « S’ils le voulaient vraiment, ils auraient adopté une autre position. Non, ce que Mélenchon veut d’abord, c’est écarter tout ce qui est entre lui et l’extrême droite, à commencer par les frondeurs insoumis, puis les socialistes, les écologistes et les communistes, avec les élections présidentielles et législatives de 2027 en ligne de mire. Mélenchon veut installer le match face à l’extrême droite. Il n’a pas abandonné l’espoir d’être au second tour de la présidentielle. »
Exécutif sortant en affaires courantes
Ce mardi soir, le président Emmanuel Macron a accepté la démission du Premier ministre, Gabriel Attal, et de son gouvernement qui assureront les affaires courantes jusqu’à la nomination d’un nouvel exécutif. Gabriel Attal reste donc provisoirement en poste et il siégera aussi, ce jeudi, comme député et chef du groupe Ensemble pour la République (EPR) lors de la séance inaugurale de l’Assemblée nationale. D’autres membres de l’exécutif se trouvent dans la même situation inédite. Ce jeudi aussi, les députés éliront celui qui sera au perchoir du Palais Bourbon. La présidente sortante Yaël Braun-Pivet, la députée de droite Annie Genevard et le député centriste Charles de Courson sont candidats. À gauche, le NFP s’est mis d’accord sur un nom, mais il n’a pas été dévoilé.
Emmanuel Macron a par ailleurs demandé à son camp de faire émerger une « coalition majoritaire ou un large pacte législatif ». Opposée à la première option, la Droite républicaine (ex-Les Républicains) est favorable à la seconde. Elle planche sur une dizaine de textes législatifs prioritaires à ses yeux en échange d’un soutien au gouvernement. Problème : ce pacte ne sera pas très large puisqu’en additionnant tous les députés du centre et de droite, même les frondeurs, cela fait un maximum de 230 élus.
« Avant, on se moquait des Belges… »
Quant au Rassemblement national (RN) et à ses alliés ciottistes, ils se plaisent à commenter la crise politique. « Nous avions dit que ce serait soit le RN, soit le bourbier. Nous avions raison, et ce bourbier risque de durer encore longtemps », a déclaré sa leader Marine Le Pen lors de la fête nationale.
« Nous avons eu la grande désillusion des électeurs d’extrême droite, et bientôt celle de ceux de gauche ; ce n’est pas bon pour la démocratie tout ça », glisse Gérard Grunberg, pointant du doigt la question du mode de scrutin. « Nous sommes dans une impasse incroyable et je ne vois pas comment on pourrait en sortir. En faisant quelques calculs simples et en analysant la position des uns et des autres, l’idée que l’on aurait, pendant un an, un gouvernement qui expédierait les affaires courantes ne m’étonnerait pas vraiment. Avant, on se moquait des Belges mais bientôt, on va se moquer des Français. »
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Publish date : 2024-07-16 19:38:00
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