pour les législatives, neuf électeurs expliquent leur choix parmi les trois principaux blocs politiques

pour les législatives, neuf électeurs expliquent leur choix parmi les trois principaux blocs politiques

Rencontrés au hasard de leurs courses, de leur travail ou d’une balade, neuf habitants du Rhône nous détaillent leur préférence pour le Rassemblement national, le Nouveau Front populaire ou le camp présidentiel.

Joris nous a reçus chez lui, dans sa ferme. Philippe, à la réception de son hôtel. Maud s’apprêtait à filer en réunion. Marie-Stéphane faisait ses courses. Mélanie prenait sa pause. Franceinfo s’est rendu dans le Rhône, fin juin, avant le premier tour des élections législatives, à la rencontre de citoyens qui avaient déjà fait leur choix entre la majorité présidentielle, le Nouveau Front Populaire et le Rassemblement national. Pour ces électeurs, « à part une attaque nucléaire, aucune chance que ça change ».

Toutes et tous ont entre 20 et 84 ans, des origines diverses, des profils différents. Certains craignent les jours à venir, d’autres les attendent avec impatience. Au second tour, dimanche 7 juillet, certains voteront par conviction, d’autres le feront par défaut. De Lyon à Saint-Genis-Laval, de Brignais à Saint-Symphorien-sur-Coise, ces citoyens « normaux » ont accepté de se livrer sur leur choix.

« Je vais voter pour le camp présidentiel, mais c’est la dernière fois »

Pierre, 84 ans, commercial à la retraite, Saint-Genis-Laval. « J’en ai marre de voir la France se déliter. Les hommes politiques promettent, mais ne font pas. Nicolas Sarkozy avait annoncé qu’il nous débarrasserait des racailles. On y a cru, il ne l’a pas fait. Vous allez vous dire : ‘Lui, il va voter pour Jordan Bardella’. J’y ai pensé, en effet, mais non. Mon choix sera neutre : celui de la majorité présidentielle.

Des amis qui votent RN me reprochent de manquer d’audace. Je préfère me dégonfler et ne pas casser les choses. Et puis le programme économique du Rassemblement national me fait peur, la position du parti sur la guerre en Ukraine me fait peur, sa position à l’égard de la Russie me fait peur. Donc, choix neutre, mais choix par défaut. En 2017 et en 2022, j’ai voté Macron. Dimanche, ce sera la dernière fois. »

« Je vais voter pour le Nouveau Front Populaire, la meilleure réponse au pire qui nous attend sinon »

Samia, 55 ans, agente territoriale spécialisée des écoles maternelles (Atsem), Brignais. « Je dis à tout le monde que l’heure est grave et je le pense sincèrement. Ce n’est pas mon tempérament d’avoir la trouille. Mais, là, j’ai la trouille que l’extrême droite prenne le pouvoir. Il faut absolument faire barrage, alors ce sera Nouveau Front Populaire. Je ne dis pas que c’est la réponse parfaite, mais c’est la meilleure au pire qui nous attend sinon. 

Je suis franco-algérienne, je porte le voile, qu’est-ce qui va m’arriver avec le RN ? Et mes enfants, mes petits-enfants ? Le RN ne veut pas des gens issus de l’immigration. C’est nous qui faisons pourtant les sales métiers en France. Je vis très mal cette période. Depuis les élections européennes, je vois déjà du changement. Il y a des personnes qui me disaient toujours bonjour et qui m’ignorent maintenant. Elles se retournent comme si elles ne me reconnaissaient pas. C’est comme si je n’existais déjà plus. Je n’ai jamais fait de politique, mais, là, dès que je croise quelqu’un, un jeune, un voisin, je le supplie d’aller voter. »

>> Recontactée après le premier tour et le désistement de la candidate du Nouveau Front Populaire dans sa circonscription, Samia votera, dimanche, pour le candidat de la majorité présidentielle.

« Je vais voter pour le Rassemblement national, parce qu’il mérite de s’essayer au pouvoir »

Joris, 37 ans, agriculteur, Chabanière. « J’ai des enfants de 2, 5 et 13 ans et je m’inquiète pour leur sécurité. OK, à la campagne, on est toujours mieux qu’en ville. Mais, même ici, au milieu des champs, il se passe des choses. Une maison a été visitée il y a quelque temps. Celle là-bas aussi. Mais tout le monde s’en fout. Dès que ça se passe ailleurs qu’à Lyon, on n’en parle pas. Il faut nous écouter aussi, on existe.

J’ai commencé à voter Front national à 18 ans. Cette fois, la victoire est là, j’y crois. Le parti mérite de s’essayer au pouvoir, lui aussi. Pourquoi ils feraient moins bien que les autres ? Les autres responsables politiques nous ont vendu beaucoup de rêve, ils nous ont vendu le changement. La gauche, Macron, tous. Là, c’est au tour du RN de changer les choses. Je ne dis pas que ça va s’améliorer en six mois, mais laissons-leur l’occasion. Récemment, j’ai même réussi à faire changer d’avis ma mère. Elle a toujours voté à gauche, pour Jean-Luc Mélenchon même. On est pressés de voir ce que ça donnera après. »

« Je vais voter pour le camp présidentiel, parce que je trouve que la situation n’est pas si abominable que ça »

Maud, 47 ans, salariée dans les ressources humaines, Lyon. « Comme à chaque fois depuis 2017, je fais confiance à la majorité présidentielle. Je trouve que la situation en France n’est pas si abominable que ça. Les Français sont absolument persuadés de vivre en enfer, alors qu’ils sont réellement au paradis. On oublie très vite que le gouvernement a quand même sauvé le pays pendant la période du Covid, en acceptant d’aggraver les déficits pour échapper à une crise économique majeure. Les gens ont très vite oublié toutes les mesures d’aide qui ont été mises en place à cette époque.

Les critiques sont parfois justifiées. Je ne nie pas le fait que tout n’a pas été parfait, ni que certains ont des soucis particuliers. Mais je ne pensais pas que mes compatriotes avaient la conviction qu’il fallait absolument aller vers un extrême pour aller mieux. L’extrême droite ? L’extrême gauche ? Ce n’est absolument pas possible à mes yeux. Je ne me reconnais pas dans les valeurs défendues et je ne suis pas la seule. Dans mon entourage, personne ne m’a dit : ‘Maud, comment tu peux encore voter pour le président ?’ Au contraire, mes proches y croient encore. Je vous promets. »

« Je vais voter pour le Nouveau Front Populaire, parce que je veux pouvoir vivre un peu plus heureux » 

Kevin, 22 ans, employé dans une salaison, Saint-Symphorien-sur-Coise. « J’ai lu les programmes de tous les candidats et celui du Nouveau Front Populaire m’a parlé. J’aime bien François Ruffin. Lui comprend quand des gens se plaignent que la vie est de plus en plus dure. C’est vrai, elle est de plus en plus dure, parce que de plus en plus chère.

On est trop nombreux en France à ne pas gagner assez par rapport à ce qu’on fait. Moi je fais 6 heures-15 heures tous les jours, pour 1 600 euros de salaire. C’est ric-rac. L’essence, maintenant, c’est minimum 130 euros par mois. Les courses, c’était 40 euros avant, c’est 80 ou 90 aujourd’hui. Le bowling, trop cher. Le McDonald’s, trop cher. La sortie en boîte de nuit, trop chère. Ma grande passion, c’est les courses de rallye, mon petit plaisir avec quelques copains. On y va de moins en moins. J’ai 22 ans, je ne demande pas grand-chose, je veux juste pouvoir vivre un peu plus heureux, c’est tout.

Je fais ce choix de vote aussi pour mes parents, pour les personnes qui sont à la retraite et qui n’y arrivent pas. Il faut que la vie change pour eux. Ma mère est femme de ménage, je la vois trimer. Quand elle sera à la retraite, je veux qu’elle ait une belle vie, je veux pouvoir l’aider. Elle comme moi, on a l’impression de tout faire bien, mais ce n’est jamais assez. »

>> Recontacté après le premier tour et le désistement de la candidate du Nouveau Front Populaire dans sa circonscription, Kevin votera, dimanche, pour le candidat du camp présidentiel.

« Je vais voter pour le Rassemblement national, parce que je veux enfin que quelque chose se passe »

Philippe, 61 ans, gérant d’un hôtel-restaurant, Mornant. « Pour la première fois de ma vie, je vais voter pour le Rassemblement national. Attention, c’est un vote de contestation, pas du tout un vote d’adhésion. Bon sang, il faut remettre de l’ordre dans le pays ! On a laissé faire trop de choses, on a accepté trop de choses. J’aime la France, mais je n’aime pas ce qu’elle devient. Trop de violence, trop d’irrespect. Il y a du ressentiment aussi. Le terrorisme, les vagues d’attentats. Il faut dire stop.

J’avais déjà hésité à mettre un bulletin RN, mais je me raisonnais. J’ai voté Macron en 2017, Macron en 2022 et même Valérie Hayer aux dernières européennes. La bascule, dans ma tête, elle s’est faite lorsque le président a décidé de dissoudre l’Assemblée nationale. J’ai été piqué. Macron a pris une claque, OK. Mais il fallait l’assumer et c’est tout. Personne ne lui en aurait voulu. Pour moi, c’est de l’inconscience. J’ai tout à fait conscience que mon vote peut contribuer à une victoire du RN et qu’une victoire du RN va secouer le pays. Désolé, mais tant pis. On ne peut plus rester comme ça. La passivité, ça suffit. Je veux enfin que quelque chose se passe. Avec ce vote, je veux marquer le coup. »

« Je vais voter pour le camp présidentiel, mais sans enthousiasme délirant »

Jean-Marie, 61 ans, chef d’entreprise, Mornant. « Moi qui ai toujours voté à gauche ou au centre gauche, le Nouveau Front Populaire est normalement le bloc qui me ressemble le plus. Mais Jean-Luc Mélenchon et plus globalement La France insoumise exercent chez moi un effet repoussoir. Alors ce sera, par défaut, la majorité présidentielle. Comme lors de la présidentielle de 2022, je glisserai ce bulletin dans l’urne sans un enthousiasme délirant, pour dire les choses poliment. 

Je reproche beaucoup de choses au président Macron. Je lui reproche de n’avoir pas tenu compte, ou en tout cas d’avoir vite oublié, qu’il a été réélu en 2022 grâce aux voix de gens qui se sont mobilisés sans adhérer. Je lui reproche d’avoir gouverné en recourant beaucoup trop de fois au 49.3. Je lui reproche d’avoir mené une politique très de droite. Je lui reproche ses reniements écologiques au moment de la dernière crise agricole. Je lui reproche de manquer de vision à long terme. Vous allez me dire, j’aurais pu voter blanc ou nul. Mais ça ne sert pas à grand-chose. C’est un scrutin où il faut se positionner clairement. Sinon… »

« Je vais voter pour le Nouveau Front Populaire, parce qu’il faut stopper la parole raciste »

Marie-Stéphane, 41 ans, travaille dans un cabinet comptable, Chaponost. « L’autre jour, mon fils de 8 ans est rentré de l’école et m’a demandé : ‘Maman, c’est quoi un étranger ?’. Les bras m’en sont tombés. Lui aussi est noir de peau. Ca voulait dire qu’il avait entendu des choses. Alors on essaie de le préparer. On lui dit que tout le monde n’aime pas tout le monde, mais que ce n’est pas normal.

Je sais pour qui voter : le Nouveau Front Populaire. Parce qu’il faut stopper la parole raciste. L’extrême droite prend de l’ampleur. Certaines personnes se lâchent encore plus qu’avant. L’après-7 juillet me fait peur. Les choses vont se compliquer, quel que soit le résultat de l’extrême droite. Je redoute que les gens n’aient plus la moindre gêne dans la rue pour exprimer ce qu’ils pensent, pour insulter, pour agresser. Avec mon mari, on a lu le programme du Nouveau Front Populaire. Je ne dis pas qu’ils vont tout régler. Mais, de loin, c’est le parti qui nous protégera le plus, moi et ma famille, quoi qu’il arrive. » 

>> Recontactée après le premier tour et le désistement de la candidate du Nouveau Front populaire dans sa circonscription, Marie-Stéphane votera, dimanche, pour le camp présidentiel.

« Je vais voter pour le Rassemblement national, parce que le programme proposé me plaît »

Mélanie, 20 ans, aide-soignante, Taluyers. « Je voterai Jordan Bardella et je n’ai aucune honte à vous le dire. Je l’assume. Je ne le trouve pas trop d’extrême droite. Mes parents votent RN, mes amis votent RN. Mon frère a 17 ans, mais s’il pouvait voter, ce serait aussi RN. Le programme proposé me plaît. Sur la retraite, notamment. J’ai 20 ans, j’ai commencé à travailler jeune et j’ai déjà mal partout. Ils veulent aussi revoir le système d’aides et c’est très bien. Je ne suis pas contre aider ceux qui ont moins d’argent, mais il faut que ce soit plus équitable. Mon père et ma mère ont bossé toute leur vie, mais ils n’ont jamais touché les primes de rentrée. Nous, les petits, on se fait marcher dessus par l’Etat français.

Je suis Jordan Bardella sur les réseaux sociaux. L’autre jour, dans une vidéo, je le voyais manger des bonbons, bien coiffé, souriant. J’aime bien. Une autre fois, il était avec Marine Le Pen en train de rigoler. Mais je ne suis pas naïve : Jordan aussi est dans la communication, il dit plein de belles choses, tout est parfait dans ses discours. Comme Macron, comme les autres, c’est un beau parleur. Je suis lucide : s’il se plante, je saurai reconnaître qu’il s’est planté. Je ne suis pas dans le déni, je ne crois pas au miracle. Sur les aides, sur les retraites… Comme pour les autres qui sont passés avant lui, on va bien voir s’il dit vrai. »

Photographies : Pauline Gauer

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Publish date : 2024-07-04 04:13:33

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