Son projet risque de faire davantage parler que son score. Au 1er tour des législatives, le 30 juin, sa candidate Johanna Jabbour, 37 ans, esthéticienne à Épernay, et lui-même, suppléant, né dans la capitale du champagne il y a 45 ans, ont recueilli 2,44 % des voix. « Malgré une belle campagne… », ajoute-t-il. Avant de corriger : « Il y a quand même eu des trucs assez dégueulasses, voire diffamatoires, venant de la gauche, comme quoi on serait anti-islam par exemple », lâche le militant Debout la France, passé auparavant par le Rassemblement national et Reconquête.
Une bourde du PCF
Alors qu’il envisageait de porter plainte, son avocat, le Rémois Emmanuel Ludot, l’en a dissuadé. « Ça ne donne jamais rien… », tranche l’avocat, entre autres, de Dieudonné et Francis Lalanne. En revanche, son client et lui ont trouvé un autre angle d’attaque : déposer les marques « Front populaire » et « Nouveau Front populaire », pour éviter qu’elles soient « récupérées » selon eux.
Passé par le RN et Reconquête, le Marnais Bertrand Potier était candidat suppléant (Debout la France) aux législatives, sur la 3e circonscription de la Marne (Épernay – Dormans). – Photo Philipe Launay / L’Union
Selon le site de l’Institut national de la protection intellectuelle (INPI), la marque « Front populaire » n’est en effet pas protégée. Ou plutôt, elle ne l’est plus. « Marque expirée ». Son ancien propriétaire, qui n’est autre que le Parti communiste français, a laissé passer la date d’expiration… il y a quatre ans. Me Ludot précise : « Le nom a fait l’objet d’une marque déposée par le PCF le 26 mars 2010, mais elle n’a pas été renouvelée et se trouve donc être périmée ». Depuis le 26 mars 2020, indique l’INPI.
« J’attaquerai ceux qui s’en serviront »
Quatre ans plus tard, le nom, lui, a fait son grand retour le 9 juin. Ce soir-là, l’Insoumis François Ruffin propose, après le coup de tonnerre de la dissolution, une grande coalition de la gauche française. Nom de baptême : « Front populaire », devenu ensuite « Nouveau Front populaire ».
Ce sont les deux que Bertrand Potier a décidé de rafler. « Je suis en train de faire le dépôt à l’INPI », indiquait ce mardi son avocat. Pour un coût « raisonnable de 260 euros », cette « propriété intellectuelle couvrira plusieurs catégories à protéger, en termes de communication ou encore d’édition », détaille l’avocat.
Le nom de la coalition de gauche a-t-il tant choqué Bertrand Potier pour en arriver là ? Affirmatif, répond-il. « Je ne supporte pas les méthodes des militants soi-disant Nouveau Front populaire pendant cette campagne. » À ses yeux, ils dénaturent le Front populaire de 1936. « Ils n’ont pas le droit de se l’octroyer, ça appartient à l’Histoire : 36, c’est pas eux ! Ces gens ne respectent pas l’héritage de Blum. Je rappelle quand même qu’il était juif et qu’il a été déporté, et qu’il y a des Insoumis qui tiennent des propos antisémites. »
Il promet de mettre la marque à la disposition des descendants de Léon Blum
Sa croisade vise donc à « les empêcher d’utiliser » les noms déposés, et il prévient qu’il « attaquera ceux qui s’en serviront ». Peu probable toutefois que ce soit avant le second tour, prévu dimanche, son avocat admettant que « la procédure prend un peu de temps ».
Et ensuite ? Que va-t-il donc faire de cette « marque » ? Me Ludot assure que l’objectif n’est pas financier. « Il va mettre cette marque à la disposition des héritiers de Léon Blum, afin qu’elle ne puisse plus être galvaudée. Le nom « Front populaire » ne s’exploite pas comme une marque de lessive ! » Il aurait déjà trouvé un descendant de Léon Blum.
Une « trahison » selon Macron
La reprise du nom « Front populaire » agace jusqu’à l’Élysée, et en particulier le chef de l’État. Il y a deux semaines, avant le premier tour des législatives anticipées, il a livré son sentiment sur cette appellation. « Nouveau Front populaire… Je déteste ce nom! Quelle trahison ! », a-t-il glissé lors d’un déjeuner. S’il cherche à se rendre propriétaire du nom, il va devoir faire vite…
Confusion avec une revue… souverainiste du même nom
L’apparition du Nouveau Front populaire a aussi créé une confusion avec une revue souverainiste, justement nommée Front populaire, lancée en 2020 par le philosophe Michel Onfray. La revue a publié récemment une « mise au point ». Celle-ci revient sur la genèse de la revue, baptisée ainsi sous forme de « clin œil historique », et ayant bénéficié d’un « coup de chance » à l’époque : « Alors que la revue était encore au stade embryonnaire, la marque « Front Populaire », détenue jusqu’alors par le Parti communiste français, expirait le 26 mars 2020 à l’INPI, faute de renouvellement. » Caustique, le communiqué y voit le reflet de « l’intérêt que les partis de gauche lui portaient à l’époque »…
Récemment, l’hebdomadaire Le Point est revenu sur ce micmac entre la revue et l’union de la gauche, assurant qu’il n’aura pas de conséquences judiciaires. « Le média (…) ne détient pas la propriété de l’appellation » et « aucune disposition légale n’empêche la coalition (…) de porter le nom de (Nouveau) Front populaire ». Le dépôt de la marque par le Marnais Bertrand Potier, souverainiste lui aussi, pourrait changer la donne.
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Publish date : 2024-07-03 04:33:00
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