La scène a duré 30 secondes avant que les policiers n’interviennent. De retour de la manifestation parisienne contre l’extrême droite le jeudi 13 juin, Raphaël Arnault – de son vrai nom Archenault – et trois de ses acolytes antifas de la Jeune Garde soupçonnent la présence d’un comité d’accueil de l’ultradroite lyonnaise à la gare de Lyon-Part-Dieu. Ils descendent donc à la gare suivante. Concours de circonstances : sur le quai, ils croisent une tête connue de l’ultradroite locale, venu chercher sa fiancée.
Le groupe leur tombe dessus. « Coups de poing, de pied et de matraque télescopique », « pénaltys au niveau du crâne », déclarera la victime aux policiers. Raphaël Arnault venait tout juste d’être désigné, quelques heures plus tôt, candidat du Nouveau Front populaire dans la circonscription d’Avignon. Placés en garde à vue, le parachuté et ses camarades nient formellement les violences. Et déposent une contre-plainte, se disant victimes, à leur tour, d’un guet-apens. Tout le monde repart libre. Fin de l’histoire. Ou presque.
Des scènes qui se sont multipliées, à Lyon, ces dernières semaines. Depuis la fin de l’année dernière, les militants de l’ultragauche locale « patrouillent dans les rues pour débusquer et agresser leurs opposants idéologiques », rapporte une source du renseignement. Selon les informations du JDD, au moins neuf actions violentes imputables au groupuscule de la Jeune Garde ont été recensées depuis le mois de mars par les policiers et les gendarmes à Lyon et ses environs.
« Les belligérants sont rarement sur un pied d’égalité, en raison d’une supériorité numérique ou de la faiblesse de la victime », poursuit cette source qui évoque des « raids ultrapréparés ». Comme le 8 mars dernier, en marge de la Journée internationale des droits des femmes, lorsque des membres de la Jeune Garde emmenés par Raphaël Arnault, leader et porte-parole, ont poursuivi deux jeunes manifestants qui, par mégarde, avaient laissé tomber au sol des stickers « France nationaliste ». L’un d’eux a trébuché et fini molesté.
Cette montée en puissance de la Jeune Garde, qui compte aujourd’hui une centaine de membres ou sympathisants, s’expliquerait, selon plusieurs sources policières, par le recul de l’ultradroite locale. Quelques condamnations judiciaires ont été prononcées depuis le début de l’année à l’encontre de cette mouvance et des procédures de dissolution en cours visent certains groupuscules comme Les Remparts, La Traboule ou encore Top Sport Rhône. Les membres de la Jeune Garde sont donc en pleine confiance et le font savoir, en revendiquant leurs agressions sur les réseaux sociaux. Victor G. par exemple, figure de l’ultradroite locale, lynché le 9 mai dernier. Double fracture de la mâchoire. « De la part de la Jeune Garde… » lui aurait lancé un de ses agresseurs avant de le laisser pour mort sur une chaussée à proximité d’une terrasse de café du 5e arrondissement de Lyon.
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La violence soupçonnée de Raphaël Arnault s’est imposée dans le débat, au point que Fabien Roussel a demandé que son investiture Nouveau Front populaire lui soit retirée. Dénonçant un « acharnement médiatique », l’intéressé a riposté en promettant « d’engager des poursuites judiciaires pour diffamation à chaque fois que nous jugerons cela nécessaire ». Une question demeure pourtant : quel rôle joue-t-il dans ce déchaînement de violences ? Faisait-il partie, le 17 avril dernier, de la descente d’antifas à la terrasse d’un café ? A-t-il envoyé ses troupes le 12 mai à la recherche d’une prise de guerre sur les épaules d’un jeune homme, le forçant à remettre sa veste Lonsdale, marque emblématique de l’ultradroite ? A-t-il soufflé l’idée de « visiter » des locaux identitaires, le 1er juin, après un rassemblement propalestinien ? La Jeune Garde revendique, lui non. Mais son ombre plane.
Depuis mars, neuf actions violentes ont été imputées à la Jeune Garde
Car, dans le petit milieu de l’ultragauche lyonnaise, Raphaël Arnault, venu du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), s’est fait une réputation. à 29 ans, son CV est déjà bien rempli. Connu des services de police, il est fiché « S », pour « sûreté de l’État » au fichier des personnes recherchées (FPR). Il est par ailleurs inscrit, selon les informations du JDD, au fichier de prévention des atteintes à la sécurité publique (FPASP), outil qui « recense les individus s’étant signalés par un comportement violent ou menaçant ». Une fiche administrative, a-t-il légitimement rappelé, n’est pas une condamnation. Mais le 16 janvier 2021, il obtient un rappel à la loi pour s’être rendu sur les lieux d’un rassemblement avec des gants coqués.
Le 24 avril 2021, une victime l’aurait reconnu formellement parmi un groupe de six antifas qui l’ont molestée après l’avoir encerclée, plaquée contre le mur en lui demandant de déverrouiller son téléphone pour vérifier ses opinions politiques. Raphaël Arnault a toujours nié, mais l’enquête de police aurait permis de géolocaliser son téléphone sur les lieux des faits au même moment, et de produire des photos qui le montrent la veille des faits, dans l’exacte tenue vestimentaire décrite par la victime. Cette semaine, le collectif identitaire et féministe Némésis a diffusé un enregistrement où l’on entend un homme, présenté comme Raphaël Arnault, menacer de mort leur dirigeante, qui a porté plainte. Ce dernier s’est défendu sur BFM TV, évoquant l’hypothèse d’un « montage ».
Son ombre plane et s’étend. S’il s’est d’abord installé dans le paysage de l’ultragauche violente lyonnaise, en assurant le rôle de « capo », entonnant les chants lors des déambulations de la Jeune Garde, depuis 2019, il a ouvert des franchises à Strasbourg, Paris, Montpellier et Lille. « Il multiplie les contacts avec d’autres antifas », croit savoir une source policière. En France comme à l’étranger, notamment en Sicile, en Italie, avec la mouvance anarchiste.
Et s’il entrait dans l’hémicycle ? « Les connexions existantes avec l’univers du militantisme politique [sont] de nature à jouer, dans leurs esprits, comme une légitimation du combat et des moyens employés pour le mener », écrivent les policiers dans une note que le JDD a consultée. Lors de sa récente convocation pour apologie du terrorisme, pour des propos tenus sur le Hamas, Raphaël Arnault avait reçu des messages de soutien de plusieurs députés Nupes. L’étiquette Nouveau Front populaire lui offre aujourd’hui un adoubement politique plus large. Quitte à passer pour un antifa de salon aux yeux de ses camarades, dont certains lui reprochent déjà d’avoir mis de côté son combat révolutionnaire contre l’État et le capitalisme.
Source link : https://www.lejdd.fr/politique/legislatives-revelations-sur-raphael-arnault-le-fiche-s-de-melenchon-146682
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Publish date : 2024-06-23 08:05:07
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