l’essentiel
Dans son programme pour les élections législatives, le Nouveau Front populaire propose, dans les 15 jours après son accession au pouvoir si les Français le choisissent le 7 juillet, de revaloriser le Smic à 1 600 euros net par mois, contre 1 399 €. Mais cette mesure est-elle crédible et possible compte tenu des comptes publics dégradés ?
Mesure catastrophique pour les uns ou salutaire pour les autres, la hausse du Smic, le salaire minimum interprofessionnel de croissance instauré en 1970, revient dans le débat à l’occasion des élections législatives. Le Nouveau Front populaire propose dans son « Contrat de législature », présenté le 14 juin dernier, plusieurs mesures concernant les salaires qui seraient mises en œuvre dans les 15 jours suivant son accession au pouvoir, si les Français choisissent la gauche le 7 juillet prochain.
Au chapitre de « l’état d’urgence sociale », le Nouveau Front populaire propose d’ « augmenter les salaires par le passage du Smic à 1 600 € net, par la hausse de 10 % du point d’indice des fonctionnaires (intégralement compensée pour les collectivités territoriales), d’augmenter les indemnités des stagiaires, le salaire des apprentis et des alternants. »
« Une catastrophe économique » pour Bruno Le Maire
Le Smic étant à 1 398,70 euros mensuels nets aujourd’hui, cela correspond à une hausse de 14,39 %. La hausse du Smic avait déjà été formulée par La France insoumise en 2022 à l’occasion des législatives. Le mouvement de Jean-Luc Mélenchon proposait de porter le Smic à 1 500 euros nets, pour « faire avancer la vie des gens ». Lors de l’élection présidentielle, Fabien Roussel, candidat du PCF, proposait lui aussi que « le Smic horaire [soit] augmenté pour atteindre rapidement 1 500 euros net par mois (soit 1 923 euros brut). »
Le salaire minimum en Europe.
DDM – Philippe Rioux
Sans surprise, le gouvernement est immédiatement monté au créneau pour dénoncer la hausse du Smic proposée par le Nouveau Front populaire. « Augmenter brutalement le Smic serait une catastrophe économique qui déstabiliserait nos PME et nos artisans, provoquerait des licenciements et donc un chômage de masse comme on n’en a pas connu depuis 40 ans. 500 000 emplois seraient détruits », avait réagi sur X le ministre de l’Économie Bruno Le Maire.
« Nous allons faire en sorte de préserver les TPE et les PME, mais le CAC40 a, lui, doublé en sept ans ses distributions de dividendes et ses rachats d’actions », relevait mardi dans Midi Libre Olivier Faure, premier secrétaire du PS.
La « désmicardisation » que voulait Gabriel Attal
Alors que les chefs d’entreprise faisaient part de leurs inquiétudes et notamment le Medef qui auditionnait hier les candidats aux législatives, l’économiste Gilbert Cette, par ailleurs président du Conseil d’orientation des retraites, estimait dans Le Figaro que « pour des raisons de coûts, une telle augmentation ne se répercuterait pas sur l’ensemble des salaires, ce qui ne ferait que renforcer la smicardisation de la société ».
Une situation contre laquelle Gabriel Attal s’était élevé lors de son discours de politique générale en proposant la « désmicardisation » de la France. « Nous avons en France un paradoxe. Nous avons un salaire minimum, un Smic, nettement supérieur à celui de nos voisins, et nous en sommes fiers. Mais nous avons une part de nos travailleurs proches du Smic beaucoup plus importante que nos voisins. C’est un problème », estimait alors le Premier ministre.
Il est vrai que jamais la France n’a connu autant de salariés qui touchent le Smic. Selon le dernier rapport du groupe d’experts Smic publié en novembre 2023, 3,1 millions de salariés du secteur privé non agricole (soit 17,3 % des salariés) étaient payés au Smic au 1er janvier de l’an dernier. En 2021, ils n’étaient que 12 % et 14,4 % en 2022.
« Si on passe le Smic net de 1 400 à 1 600 euros net par mois, mécaniquement, du jour au lendemain, on aura entre 25 % et 30 % de Smicards », selon les estimations de l’économiste Bertrand Martinot, rattaché à l’Institut Montaigne, ce qui pourrait conduire à « un gigantesque tassement de la distribution des salaires » puisque rien ne dit que les salaires supérieurs au Smic, fixés de manière contractuelle, augmenteraient dans les mêmes proportions…
Pas de coup de pouce au Smic depuis 2012…
Seul salaire indexé sur l’inflation, le Smic « a été revalorisé sept fois du 1er janvier 2021 au 1er mai 2023 avec une hausse cumulée de + 13,5 % (dont + 6,6 % en glissement annuel au 1er janvier 2023, la plus forte hausse annuelle depuis 1991) », indiquaient les experts, qui notaient par ailleurs que le niveau du salaire minimum horaire en France reste l’un des plus élevés parmi les pays de l’OCDE. Sophie Binet (CGT) estimait toutefois que « le Smic français est plus faible que le salaire minimum belge, allemand ou suisse ». Au 1er janvier 2024, le montant du Smic a augmenté de 1,13 %.
« Depuis 2012, aucun coup de pouce supplémentaire n’a été accordé par les gouvernements successifs au Smic et ce dernier n’a donc augmenté qu’en rapport avec l’inflation », indique à Capital Clément Carbonnier, professeur d’économie à l’Université Paris 8 et co-directeur de l’axe « politiques socio-fiscales » du Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (LIEPP) à Sciences Po. « Il paraît donc logique de prévoir un tel rattrapage pour vraiment soutenir le pouvoir d’achat des Français ».
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Publish date : 2024-06-21 04:31:00
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