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« La difficulté est là. En plusieurs décennies le rouleau-compresseur idéologique a travaillé les esprits. Il faut même parfois convaincre que ce que nous proposons est possible ceux qui ont, pourtant, tout intérêt à voir notre programme l’emporter », constate Éric Coquerel, qui a été auditionné avec le socialiste Boris Vallaud, jeudi 20 juin, par le Medef.
Un projet financé « en prenant l’argent dans la poche de ceux qui ont les moyens »
En face, les partis au pouvoir comme Renaissance ou le MoDem, ou l’ayant exercé comme Les Républicains, se réclament de la « raison » et qualifient leurs adversaires ayant des propositions alternatives comme « déraisonnables ». « La marge de manœuvre budgétaire de la France, elle est nulle », a ainsi lancé Bruno Le Maire, lors du grand oral des partis politiques devant le Medef, qualifiant les propositions du Nouveau Front populaire et du Rassemblement national (RN) de « programmes délirants et à contretemps de la situation des finances publiques ». « À un moment, il faut économiser et rétablir les comptes, comme nous avons commencé à le faire », a-t-il ajouté.
Mais si le RN n’explique pas comment il compte financer son programme, le NFP ne se cache pas : « Nous ferons en sorte de financer tout ce projet très ambitieux en prenant l’argent dans la poche de ceux qui ont les moyens de le donner », a affirmé le premier secrétaire du Parti socialiste (PS) Olivier Faure, vendredi 14 juin, appelant à un « réarmement civique » de « toutes celles et ceux qui peuvent contribuer ».
Ainsi, l’alliance de gauche promet pour l’été une loi de finances rectificative permettant de refonder le système fiscal en passant de 5 à 14 tranches pour l’impôt sur le revenu, de passer d’un taux de CSG identique à tous les revenus du travail à une CSG progressive, de rétablir un impôt de solidarité sur la fortune (ISF), de supprimer la « flat tax », de supprimer de nombreuses niches fiscales et d’instaurer un héritage maximum.
« Le programme du Nouveau Front populaire trace des perspectives pour de nouvelles recettes. Il met notamment l’accent sur la taxation des très hauts patrimoines, qui est quelque chose qu’on n’a pas encore fait en France et qui s’inscrit dans une dynamique mondiale », a expliqué l’économiste Michael Zemmour, mardi 18 juin, sur franceinfo.
🔴 Nouveau Front Populaire ➡️ » Le programme du Front Populaire trace des perspectives pour ces nouvelles recettes, notamment, il met l’accent sur la taxation des très hauts patrimoines. C’est quelque chose qu’on n’a pas encore fait en France « , analyse Michaël Zemmour. pic.twitter.com/gGMO37MOUa
— franceinfo (@franceinfo) June 18, 2024
Ces propositions ne suffisent toutefois pas pour convaincre le monde politico-médiatique, qui a repris des estimations de Bercy publiées dès le 14 juin. Celles-ci ont évalué le coût des mesures du Nouveau Front populaire à 286 milliards d’euros de dépenses par an, ce que conteste le NFP. « Évidemment l’équilibre n’y est pas », commentait quelques jours plus tard l’éditorialiste économique de BFMTV Nicolas Doze.
« Bizarre qu’on nous demande autant de précisions et rien aux autres »
De là découle pour l’alliance de gauche une seconde contrainte : devoir chiffrer dans le détail chaque proposition, côté recettes et côté dépenses. Un exercice long et fastidieux dans une campagne limitée à deux semaines et qui peut donner lieu à des couacs.
Alors que le chiffrage définitif n’était pas encore acté, la socialiste Valérie Rabault a évalué, dans un entretien au journal Les Échos mardi 18 juin, le coût du programme commun de la gauche à 106 milliards d’euros de dépenses sur trois ans.
Quelques heures après la publication de cette interview, un communiqué de La France insoumise précisait qu’il s’agissait de la « vision personnelle » de Valérie Rabault, mais que le chiffrage avancé « ne correspond[ait] pas au chiffrage du programme du Nouveau Front populaire », qui « sera présenté dans les jours qui viennent en conférence de presse commune ». Cette conférence de presse doit se tenir vendredi 21 juin à midi.
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« Le traitement qui nous est réservé est injuste. C’est quand même bizarre qu’on nous demande autant de précisions et rien aux autres, même si je comprends bien qu’on nous demande des éléments puisque nous sommes les seuls à proposer un nouveau logiciel », juge Éric Coquerel.
Les propositions du Nouveau Front populaire soulèvent en effet des questions légitimes. Comment feront les petites et moyennes entreprises (PME) pour payer un Smic à 1 600 euros ? Comment éviter une éventuelle spirale inflationniste liée à la hausse des salaires ? Et puis enfin et surtout, comment être certain que l’ensemble des acteurs économiques accepteront de telles mesures sans opposer la moindre résistance ?
Mais les programmes présentés par ses opposants soulèvent eux aussi leur lot de questions. Le Rassemblement national, qui propose dans son discours de faire davantage de dépenses mais sans augmenter les recettes, ne cesse de reculer sur certaines de ses mesures-phares – retraites, baisse de la TVA – et n’a toujours pas présenté l’intégralité de son programme. Quant à la coalition présidentielle Ensemble, elle est comptable d’une mauvaise gestion budgétaire qui vient d’être doublement pointée du doigt. La Commission européenne a annoncé, mercredi 19 juin, l’ouverture prochaine d’une procédure pour déficit excessif à l’encontre de la France. De son côté, l’agence de notation Standard & Poor’s a abaissé la note souveraine de la France, le 31 mai, de AA à AA-, sanctionnant la « détérioration de la position budgétaire » du pays.
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Publish date : 2024-06-20 17:57:55
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