La dissolution, décidée dimanche 9 juin par un Emmanuel Macron plus solitaire et vertical que jamais, a plongé le pays dans la sidération, avant de déclencher une mobilisation inattendue des forces de gauche pour tenter d’empêcher le pire. Le Nouveau Front populaire, son programme commun et ses candidatures uniques, sont le résultat inespéré de ce sursaut collectif. Pourtant, depuis son officialisation, un sujet empoisonne les débats et apparaît comme le principal point faible sur lequel ses adversaires ont prise : l’antisémitisme et la position française face à la situation en Israël et à Gaza.
Ce talon d’Achille du Nouveau Front populaire, s’il est instrumentalisé ad nauseam par ses détracteurs, ne peut pas être écarté d’un revers de main, car c’est un sujet essentiel et même existentiel pour une gauche précisément rassemblée aujourd’hui au nom de ses plus hautes valeurs.
En tant qu’historien spécialiste du conflit israélo-palestinien, en tant qu’avocat luttant contre les atteintes aux droits de l’homme, contre l’antisémitisme et toutes les formes de racisme, en tant que citoyens ayant voté aux élections européennes pour la liste Parti socialiste-Place publique, nous voudrions poser ici quelques constats, rappels et principes afin que ce débat piégé cesse de parasiter une campagne électorale si brève et si décisive, et pour que d’autres enjeux puissent s’y épanouir.
Carburant mortifère
Non, l’antisémitisme n’est pas « résiduel » en France, il explose. Le ministère de l’intérieur indique que le nombre d’actes antisémites est passé de 436 en 2022 à 1 676 en 2023, soit une multiplication par quatre. C’est après les massacres terroristes du 7 octobre [2023] et le début de la riposte israélienne à Gaza que ce déchaînement a été constaté, avec une moyenne de 500 actes antisémites par mois fin 2023, contre cinquante en moyenne lors des mois précédents, selon le Conseil représentatif des institutions juives de France. Clairement, le contexte tragique au Proche-Orient a donc été le carburant mortifère d’une haine antijuive débridée.
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La gauche, aujourd’hui rassemblée pour contrer la menace xénophobe du Rassemblement national [RN], ne peut se détourner de ce combat prioritaire, il y va de la cohérence du Nouveau Front populaire et de sa justification même.
Non, il n’y a pas d’équivalence entre l’antisémitisme contextuel, populiste et électoraliste instrumentalisé par certains membres de La France insoumise, et l’antisémitisme fondateur, historique et ontologique du Rassemblement national, qui défend la préférence nationale, dénonce les ressortissants binationaux et attaque l’« anti-France » depuis toujours et avec constance. Le premier, nous devons le combattre pied à pied, programme à l’appui, sans baisser les yeux, en prenant les électeurs à témoin pour démontrer que l’antisémitisme est la négation même de nos valeurs communes. Le second, nous devons le battre, dans les urnes et dans l’urgence, pour éviter que la France ne renie son identité républicaine en renouant avec les pires pages de son histoire.
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Publish date : 2024-06-20 16:00:16
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